De Launay : le gouverneur de la Bastille massacré et oublié (1789)

La prise de la Bastille marque le début de la Révolution française. Tous les livres scolaires d’histoire vous apprennent la date de l’événement. Mais, savez-vous que certains ont payé cette journée de leur vie ?

Un bon exemple est de découvrir comment a terminé le gouverneur de la Bastille : Bernard-René Jourdan de Launay !

Je vous le révèle dans cet article.

Qui était le marquis de Launay avant le 14 juillet 1789 ?

Le 14 juillet 1789, le marquis de Launay est le gouverneur de la Bastille depuis 13 ans. Bien en place, il ne fait pas de vagues et œuvre tranquillement à ses affaires.

marquis de launay
Marquis de Launay.

Avant son affection à la prison, il a été officier au régiment des gardes, puis capitaine d’un régiment de cavalerie. Il s’agit donc d’un homme d’expérience.

En plus, cet homme issu de la noblesse normande connait très bien la Bastille puisqu’il a vécu dans ces lieux. Quand il est né en 1740, son père était le gouverneur de la Bastille.

Garder les prisonniers semble donc une histoire de famille chez les de Launay.

La personnalité du gouverneur de la Bastille est décrite dans les livres d’une façon peu flatteuse. Si certains louent sa loyauté au roi, d’autres l’accusent de tous les maux. Il aurait été un mauvais chef militaire complètement apeuré lors des combats. Encore pire, même en étant très bien payé, il aurait réclamé sans cesse de l’argent et utilisé pour lui-même le budget destiné aux prisonniers.

Mais, il faut être précautionneux avec ces dernières phrases. En effet, derrière tout ce qui est dit sur les événements de la Révolution et l’affrontement Monarchie/République se cachent des idées politiques, et il est possible que ces affirmations soient fausses.

Pourquoi les émeutiers attaquent-ils la Bastille ?

Cette prison n’était pas le Fleury-Mérogis de l’époque et ne comptait pas 400 places. Le record de la Bastille avait été atteint sous Louis XIV avec 60 prisonniers.

Le jour de l’émeute, la Bastille compte moins de personnes que les cellules de dégrisement d’Auxerre chaque samedi soir. Il n’y a que 7 prisonniers et aucun n’est désiré par les émeutiers. Le plus connu est le comte Hubert de Solages, mais il s’agit d’un horrible personnage condamné pour inceste. D’ailleurs, même sa propre famille n’avait pas envie de le voir libéré et avait déjà exprimé leurs craintes de le voir un jour sortir de la Bastille.

La Bastille est un symbole du pouvoir royal et de l’oppression. Mais, ce qui attire les émeutiers, ce ne sont pas les quelques condamnés ou le côté symbolique de l’édifice, mais l’arsenal présent dans la Bastille.

D’ailleurs, c’est pour cette raison que, malgré la présence de 7 prisonniers seulement, le bâtiment est sécurisé par plus d’une centaine de gardes ! En effet, il y a 32 soldats suisses et 82 vétérans invalides de guerre.

Quand la foule d’émeutiers arrive, elle surfe sur le succès. Elle vient de s’emparer de l’hôtel des Invalides. Relativisons, la prise n’a pas été une bataille. Les soldats présents aux Invalides n’ont pas voulu ouvrir le feu sur la foule et cette dernière a pu s’emparer de plusieurs dizaines de milliers de fusils sans difficulté.

Mais, un fusil sans poudre est comme une frite sans mayo. Or, il n’y avait pas de poudre aux Invalides ! Les émeutiers veulent donc la poudre stockée dans la Bastille pour se transformer en une petite armée.

Les négociations inutiles entre de Launay et des émeutiers

Avant de casser la gueule à tout ce qui bouge, les Révolutionnaires désirent parlementer. Une délégation est reçue par de Launay. Leur demande est double : le retrait des canons et la livraison de la poudre et des balles.

Les discussions durent. Elles sont plus aimables que menaçantes. Mais, le pauvre de Launay est perdu. Il n’a pas reçu d’ordre de la part de Versailles. Tout part en cacahuètes. Doit-il céder à la foule en fournissant les armes à des émeutiers surmotivés ou lutter, car après tout, pour qui se prennent ces gueux ? Imaginez cette phrase avec la voie de Jacquart dans les Visiteurs et vous aurez l’idée !

Dans un premier temps, de Launay préfère jouer l’apaisement sans se rendre. Il dit qu’il ne tirera pas sur la foule, mais qu’il ne peut pas fournir la poudre.

Une seconde délégation rentre dans la Bastille pour de nouvelles palabres.

attaque de la prise de la bastille

Tout cela ne sied pas à la foule. Les discussions durent trop longtemps pour les Jean et les Pierre qui ne sont pas venus pour assister à des débats, mais pour se doter d’armes afin de mettre le pouvoir à terre. Ils sont en surnombre, armés et aidés par des militaires qui ont choisi leur camp plutôt que celui de la fidélité au Roi. Il est temps d’agir. En plus, une explosion leur fait croire que les défenseurs de la Bastille les attaquent malgré les discussions.

La Bastille est attaquée : une centaine de morts au sol !

Une partie d’entre eux jouent l’offensive et tentent de passer en force. Ils attaquent les chaînes du pont-levis pour entrer dans la Bastille. La garnison lance des sommations. « Stop ou on tire ! ».

La foule menaçante n’a que faire des sommations et continue son travail de démolition. Les soldats ne pensent pas avoir le choix : ils ouvrent le feu. Le résultat est terriblement efficace. Près d’une centaine d’émeutiers meurent. De Launay est considéré comme le responsable de ce massacre. Il est désormais l’homme à abattre. Il est en panique.

Selon certaines sources, de Launay se la joue même kamikaze et menace de tout faire sauter. Avec la poudre dont il dispose, il lui suffirait d’une petite flamme pour transformer la Bastille en feu d’artifice et cramer tout le quartier. Mais, ses hommes le raisonnent.

Les émeutiers entrent dans la cour intérieure de la Bastille

La situation se complique encore pour le marquis de Launay puisque 61 membres de l’infanterie française viennent renforcer les rangs des Révolutionnaires. Parmi eux figurent des hommes comme Wargnier, Labarthe et Hulin. Pour l’anecdote, ce dernier sera plus tard Général de l’Armée napoléonienne.

Le siège de la Bastille s’éternise et les émeutiers tirent au mortier sur la Bastille. Les salves empêchent les gardes de répliquer. Les émeutiers parviennent enfin à entrer dans la cour intérieure.

L’ardeur de cette foule ne faiblit pas. Même un fou comprendrait qu’il faut abdiquer sous peine que la journée finisse en massacre. De Launay n’a plus le choix et négocie alors la reddition. Il a tout fait pour résister, mais maintenant, soit il plie, soit il meurt.

De Launay abdique

Il obtient l’accord qu’il souhaitait : il livre la prison en échange de la garantie qu’aucun mal ne serait fait à ses hommes ou à lui. Malheureusement, il ne faut jamais croire une foule pleine de rage. Cet accord aurait été acceptable avant le premier mort parmi les émeutiers, mais ne l’est plus après cent cadavres allongés sur les pavés !

Les soldats hissent le drapeau blanc et lèvent la crosse de leurs fusils. Les portes de la Bastille s’ouvrent. Le buffet à volonté fait des heureux. Les émeutiers entrent et pillent la poudre. Les prisonniers sont libérés, y compris l’abominable comte de Solages.

La foule a eu ce qu’elle veut, et l’histoire aurait pu s’arrêter là s’il s’agissait d’un scénario pour un téléfilm.

Mais, dans la vraie vie, peut-on vraiment se quitter en paix après une journée meurtrière ? La foule n’a pas eu sa vengeance.

Les soldats prisonniers : le calvaire de Béquart et de Launay commence

Les soldats sont faits prisonniers. La première idée est de les juger et de, pourquoi pas, en condamner quelques-uns à mort. C’est là que tout dérape. Plusieurs vétérans invalides sont maltraités.

Le titre du plus grand malchanceux revient à Béquard (on retrouve parfois d’autres orthographes comme Bequart, Becquart…). La torture a débuté pour lui dès la reddition. Pourtant, il aurait été celui qui a convaincu de Launay de ne pas faire sauter la Bastille, et donc d’éviter un carnage !

Alors qu’il ouvre la porte, un sauvageon lui découpe complètement la main avec un coup de sabre. Les émeutiers s’en amusent et tiennent en l’air la main du pauvre Béquard. On dirait des toréadors avec une oreille de taureau après une corrida réussie.

En plus, la main semble encore tenir la clé. Cela doit suffire pour déclencher l’hilarité générale. Autre époque, autres mœurs… Ce même Béquart finira la journée en beauté puisqu’il sera pendu. Une main arrachée et une pendaison, j’en connais un qui aurait mieux fait de se faire porter pâle le matin…

De Launay vit un calvaire.

En chemin vers l’Hôtel de Ville, de Launay vit également son calvaire. Il est insulté. On lui crache dessus. Puis, il est roué de coups. Jusque-là, c’est du classique.

Certaines sources disent que ce déchainement de violence fait suite à un coup de pied donné par de Launay à un cuisinier nommé Desnot. D’autres disent que le coup de pied de de Launay est justement une réaction face aux violences qu’il subissait. Qui a tapé en premier ? On dirait un débat de cour de récréation !

Dans tous les cas, comme je l’ai dit précédemment, ce serait naïf de croire qu’un homme qu’on accuse d’avoir fait tirer sur la foule peut ressortir vivant de cette journée.

De Launay est frappé encore et encore. Ce n’est pas une seule personne qui le frappe, mais des dizaines.  Chacun veut mettre son coup de sabot sur la figure d’autorité. Puis, la violence augmente encore d’un cran. Il reçoit plusieurs coups de baïonnettes, puis une balle l’atteint… Comme quoi, il avait raison de ne pas vouloir leur refiler des balles !

À quel moment meurt-il durant ces violences ? Il est impossible de le savoir. En tout cas, une fois décédé, son cadavre n’est pas laissé au repos.

Un boucher nommé Jourdan exprime tout son savoir-faire et le traite comme un gibier de chasse. Il le décapite et place sa tête sur un pic. Fier de cette belle tête de de Launay, il parade avec dans Paris le reste de la journée.

tetes de de launay et flesselles sur des pics
Les deux têtes finissent sur des pics…

J’ai aussi lu quelques écrits qui affirment que c’est Desnot, le cuisinier qui a reçu le coup de pied, qui aurait décapité le cadavre. Mais, plus de sources s’orientent vers Jourdan. Je me range donc lâchement auprès de la majorité…

Le visage de de Launay n’est pas seul, puisqu’une autre tête, celle du prévôt des marchands de Paris, Jacques de Flesselles, est au bout d’un autre pic. Le malheureux a eu la bonne idée de sortir voir pourquoi la foule était en délire. Il a eu sa réponse, et une tête en moins sur les épaules.

 Les deux têtes sont ensuite emmenées jusqu’au Palais Royal. Aujourd’hui, quand la France remporte une Coupe du Monde, les joueurs défilent avec la Coupe. En 1789, on faisait la même chose avec des têtes !

En plus de de Launay et de Béquart, plusieurs autres gardes sont lynchés à mort.

Les suites de la prise de la Bastille… et de Monsieur Coupe-Tête !

Même si l’assaut de la Bastille est devenu la fierté de la Révolution et profite d’une mansuétude certaine dans l’apprentissage donné à nos collégiens, des contemporains l’ont traité plus durement.

Par exemple, Chateaubriand dira que c’était un assaut contre quelques invalides et un timide gouverneur, effectué par des ivrognes heureux.

Pour la petite histoire, Jourdan le boucher entre dans la légende avec cet acte. C’est un moment de gloire qui débute et qui va se prolonger pendant plusieurs années. En effet, il participera à plusieurs massacres lors de la Révolution, notamment à Versailles en octobre 1789 et à Avignon en octobre 1791. Son talent de dépeceur sera vite reconnu puisqu’il héritera du surnom de « Jourdan Coupe-Tête ».

Heureusement, la justice des hommes survient parfois avant la justice divine. Il sera guillotiné en 1794. Un beau retour de karma : Jourdan Coupe-Tête finit sans sa tête !

Quant aux suites de la prise de la Bastille, tout le monde les connait et elle est résumé par cet échange.

Apprenant l’attaque de la Bastille, Louis XVI demande à La Rochefoucauld s’il s’agit d’une révolte. Ce dernier répond « Non, sire, c’est une Révolution. ».

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