Même s’il a été surnommé « Napoléon le Petit » par Victor Hugo, Napoléon III a un destin hors normes. Le faux idiot balancé Président de la République, puis Empereur a eu une vie unique. Parmi les moments forts de son existence, il y a son évasion du fort de Ham. L’histoire est dingue, je vous la raconte !
Le récit de l’évasion en vidéo !
Durée de la vidéo : 10 minutes
Pourquoi Louis-Napoléon était-il en prison ?
Ce fils du frère de Napoléon, Louis, et de sa belle-fille, Hortense de Beauharnais – Oui, je sais, la généalogie est étrange -, est plein d’ambition. Avec son sang de Bonaparte, il est hors de question qu’il se transforme en bourgeois passif qui vit sur l’héritage de son oncle.
Quand le fils de Napoléon Bonaparte meurt en 1832, Louis-Napoléon se voit comme l’héritier de la couronne impériale, même si l’Empire n’existe plus !
Il conspire et participe dès 1836 à une tentative de soulèvement à Strasbourg. L’idée est d’obtenir le soutien des garnisons militaires, puis de marcher vers Paris pour renverser le roi. Il est persuadé que son nom suffit pour que les militaires et les civils s’allient sous sa bannière. Il se fourvoie complètement et il échoue.
Après un exil forcé, il refait le même scénario à Boulogne-sur-Mer en 1840. Il profite d’un élan nostalgique pour l’Empire suscité par le rapatriement des cendres en France de Napoléon Bonaparte. Mais, entre se raconter Austerlitz en famille et attaquer le pouvoir politique avec des fourches, il y a une différence. Le peuple ne le suit pas. La tentative est encore ratée. Le pouvoir en a marre et le condamne à l’emprisonnement à vie !
« Voilà, mon petit Louis-Nap, tu as nous trop cherché, prends ça dans les dents ! »
Déboussolé, et peut-être un peu ironique, il aurait même demandé juste après avoir entendu la condamnation : « Mais, ça dure combien de temps la perpétuité ? ».
Les conditions de sa détention au fort de Ham
Il se retrouve emprisonné au fort de Ham dans le nord de la France. Cette prison dédiée aux détenus célèbres est très éloignée de Paris pour éviter qu’un soulèvement populaire dans la capitale ne déclenche des évasions faciles pour les opposants.
Le rang de Louis-Napoléon est reconnu puisque sa détention est particulièrement agréable. On dirait la vie de Pablo Escobar lors de son fameux séjour à La Catedral avec vue sur Medellin !
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Il ne vit pas dans une petite cellule avec quelques sorties autorisées pour prendre une douche collective. Son logement est mieux que celui d’un Parisien qui ne gagne pas 3000€.
Il dispose d’un appartement de plusieurs pièces, envoie des lettres et obtient fréquemment des livres. Il monte à cheval et jardine dans la cour. Il adopte un chien qu’il nomme sans se fatiguer : Ham, le même nom que sa prison… Heureusement qu’il n’est pas emprisonné par les Anglais à la Tour de Londres, car un « Tour de Londres, va chercher la balle ! » sonnerait un peu bizarre !
Encore mieux, il écrit des articles qui sont publiés dans des revues et un ouvrage, « Extinction du paupérisme », où il s’affiche comme l’ami et le défenseur des pauvres. Car, même s’il ne connait la pauvreté qu’à travers les récits qu’on lui en fait, il n’a pas le mépris de classe et souhaite aider le peuple qui a tant aimé son oncle.
Bon, plus tard, quand il aura le choix entre exploser son budget personnel présidentiel et aider les gosses dans les mines, il préférera quand même les bons buffets entourés d’intellectuels et de jolies femmes. Mais, c’est logique : on ne refait pas les idéalistes !
En prison, Louis-Napoléon voit également qui il veut. Des hommes comme Châteaubriand et Alexandre Dumas viennent lui parler. Encore mieux, ils ramènent des villageoises habitant aux abords de la prison. Les femmes font facilement tomber la culotte contre une pièce. C’est probablement sa façon de lutter contre la pauvreté locale !
Le gros point négatif de la prison est que l’endroit est humide. Louis-Napoléon en souffre un peu. Mais bon, les logements européens sont-ils vraiment mieux isolés de nos jours ?!
J’ai presque envie de dire que sa prison est une vie meilleure que celle de beaucoup de travailleurs d’aujourd’hui !
Il y a beaucoup de reproches à faire à Louis-Napoléon. Il a néanmoins une qualité indéniable : il est résilient et croit en son destin. Il sait qu’il doit quitter la prison pour conquérir le pouvoir.
En plus, cet emprisonnement a été positif. Il a pu se créer une image de martyr et d’homme proche du peuple.
Il demande sa grâce au roi Louis-Philippe. Ce dernier refuse. Mais, qui écoute désormais les directives d’un roi en France ? Personne !
Après six ans à ne pas marcher dans le crottin des rues de Paris, Louis-Napoléon veut revenir à la civilisation et s’évader.
Une évasion menée à son médecin nommé Conneau
Pour ce faire, il obtient l’aide de son médecin personnel, Henri Conneau. Franchement, un médecin comme ce Conneau est le plus beau cadeau qui pouvait lui arriver dans la vie !
Cet homme croit fermement que Louis-Napoléon est un grand homme. Il a participé au soulèvement à Boulogne-sur-Mer et est donc en prison avec lui.
Les deux loustics créent une évasion rocambolesque.
La prison de Ham est en travaux. Le bâtiment est vieux et nécessite des rénovations. Chaque jour, des ouvriers viennent travailler. Lui, Louis-Bonaparte, descendant du grand Napoléon et futur empereur, va se transformer en ouvrier pour s’évader.
L’idée est née après quelques discussions avec Charles-Auguste Pinguet, un jeune maçon qui bosse sur le chantier de Ham.
La situation n’est pourtant pas simple. Même si Louis-Napoléon est un prisonnier très privilégié, il est au milieu de 400 soldats et un commandant vient le voir quatre fois par jour pour vérifier qu’il va bien.
L’équipe de surveillance est rôdée puisque cette forteresse a déjà gardé des détenus célèbres comme le prince de Condé et le marquis de Sade.
L’évasion de Louis-Napoléon le 25 mai 1846
L’évasion se déroule le 25 mai 1846. Louis-Napoléon s’habille en prolétaire. Il coupe sa barbe trop bien taillée pour être celle d’un maçon et enfile des vêtements d’ouvrier. Pour que le rendu soit réaliste, il ajoute du cirage sur ses joues. En effet, qui a déjà vu un maçon avec un teint de Finlandais en plein printemps ?
Pour l’aider, le jeune Pinguet lui a fourni ses propres vêtements et sa pièce d’identité. Ainsi, Louis-Napoléon devient pendant quelques heures un maçon inconnu. Cette anecdote lui vaudra plus tard d’être caricaturé en Badinguet par des caricaturistes qui ne l’aiment pas lors du Second Empire.
Pendant ce temps, Henri Conneau met un mannequin dans son lit. Ainsi, quand les gardes viennent voir Louis-Napoléon, le médecin affirme qu’il est malade et qu’il doit rester au lit. Conneau a eu la bonne idée de répandre partout dans la chambre un produit qui pue. Ainsi, les gardes ne s’approchent pas trop près du lit et ne voient pas la supercherie.
Cela fonctionne bien. Qui a envie de mettre son nez au-dessus d’un gars qui pue comme la diarrhée d’un allergique au lactose ?
Louis-Napoléon descend dans la cour. Il met du bois sur son épaule. La grosse planche n’est pas du matériel présent sur le chantier, mais un morceau de sa bibliothèque qu’il vient de casser. Cet accessoire lui permet à la fois de paraître plus crédible en maçon et surtout, de cacher son visage.
Au moment où il s’approche du pont-levis qui est la sortie de la prison, un autre complice fait aboyer Ham, le chien de Louis-Napoléon. Cet acte permet également de décoller l’épagneul qui passe son temps à coller Louis-Napoléon.
Naturellement, les gardes regardent le chien dès qu’il se met à aboyer et ne prêtent pas attention aux deux ouvriers qui sortent temporairement du chantier. Quelle erreur ! Louis-Napoléon s’échappe et inscrit une belle anecdote de plus sur sa légende !
L’aide de Conneau est précieuse. Personne ne remarque son départ avant 18h. Il s’est presque écoulé 12 heures entre son évasion et l’alerte. Puisqu’un homme comme lui ne s’échappe pas comme un idiot, il a tout prévu. Il a déjà pris une diligence et est loin de la forteresse de Ham. Très rapidement, il arrive jusqu’en Belgique !
La nouvelle de son évasion renforce sa notoriété grandissante. Seul un homme digne de son oncle Napoléon Ier peut réaliser un tel coup !
Louis-Napoléon reviendra en France deux ans plus tard, en 1848. Louis-Philippe a été déchu et Louis-Napoléon réussit facilement à être nommé Président de la République, grâce au soutien de proches et de ceux qui l’imaginent trop bête pour garder le pouvoir longtemps… La suite montrera que ces derniers étaient les personnes stupides dans cette histoire !
Pour l’anecdote, Louis-Napoléon n’oubliera jamais ceux qui l’ont aidé à s’évader. Le petit Pinguet obtiendra une rémunération très généreuse par rapport à son salaire de maçon. Quant à Conneau, il reste le médecin de Louis-Napoléon dans la gloire comme dans les malheurs, en connaissant à la fois son ascension, l’Empire, la chute et l’exil en Angleterre jusqu’à la mort de Louis-Napoléon en 1873. Quelle fidélité !
Article écrit par Denis
Créateur de la Tête Haute Française, je partage mon amour de l’Histoire de France sans prétention, en essayant de la rendre amusante (même si je sais que cet humour ne sied pas à tout le monde).