Les Filles du Roy : les 800 Françaises qui ont peuplé tout le Canada !

Au début du XVIIe siècle, la France décide de s’exporter durablement en Amérique du Nord. En 1608, Samuel de Champlain fonde un premier établissement au Canada et crée la ville de Québec.

Mais, la création d’une colonie n’est pas la même chose qu’une conquête ou une expédition commerciale. Très vite, les gars comprennent que pour supporter l’hiver, ils ont oublié une chose importante à la maison : les femmes !

Un travail de peuplement exceptionnel est entamé avec l’envoi de près de 800 Françaises que l’histoire appelle désormais les « Filles du Roy ». Sans elles, il n’y aurait pas le Canada aujourd’hui. Rendons-leur hommage en racontant succinctement leur histoire.

Le postulat de départ : les colons n’ont personne avec qui faire « touche pipi »

Sur les premiers bateaux qui arrivent au Canada, vous ne trouvez que des hommes français bien virils. Ils débarquent sur ce territoire inconnu pour l’aventure et avec l’espoir de trouver la richesse.

Face à eux, les défis sont pourtant difficiles. Pour nous, hommes et femmes qui mettons le GPS dès que nous allons dans un nouveau lieu, il est donc très dur de se projeter dans ce qu’ont vécu nos ancêtres. Le Canada était une terre sauvage, peuplée de tribus aux mœurs différentes et parfois belliqueuses, et en hiver, l’immense territoire devenait un enfer glacial.

Comme le résumait Voltaire depuis son agréable bureau en France, le Canada n’était alors qu’ « un pays couvert de neige et de glace 8 mois dans l’année, habité par des barbares, des ours et des castors ». Il abuse un peu sur les « 8 mois », mais le reste est plutôt vrai.

Il n’est donc pas étonnant que les Français qui débarquent n’aient pas amené leurs femmes et qu’aucune jolie demoiselle n’ait eu l’envie de faire un voyage « safari » seule pour admirer les ours, les autochtones et les moustiques.

Les premières femmes, ou en tout cas un volume suffisamment important pour que cela soit relevé par les chroniqueurs, ne sont arrivées qu’une vingtaine d’années après la création de Québec, autour de 1630. Ce sont soit des religieuses, des femmes de pionniers, des filles qui suivent leurs parents et quelques rares célibataires recrutées par les compagnies privées. Selon le site de statistiques gouvernementales du Canada, il n’y avait que 120 habitants dans la ville de Québec à ce moment-là.

La fertilité à l’époque n’étant pas encore détruite par tous les perturbateurs endocriniens, la population croit un peu malgré le faible nombre de femmes. De premiers bébés européens naissent au Canada. Cela n’était plus arrivé depuis les incursions vikings survenues 600 ans plus tôt. Quelques unions mixtes entre Français et femmes autochtones permettent aussi d’avoir quelques bébés et Québec connaît probablement ses premières nuits d’insomnie à cause « du gamin du voisin qui a chialé toute la nuit ».

filles du roy au canada

La fertilité à l’époque n’étant pas encore détruite par tous les perturbateurs endocriniens, la population croit un peu malgré le faible nombre de femmes. De premiers bébés européens naissent au Canada. Cela n’était plus arrivé depuis les incursions vikings survenues 600 ans plus tôt. Quelques unions mixtes entre Français et femmes autochtones permettent aussi d’avoir quelques bébés et Québec connaît probablement ses premières nuits d’insomnie à cause « du gamin du voisin qui a chialé toute la nuit ».

Mais, ces quelques naissances ne permettent pas de développer suffisamment la population. Si le Canada passe de 120 habitants en 1630 à 240 en 1641, puis 2000 en 1653, il le doit surtout aux arrivées de bateaux remplis de grands mâles venus conquérir ce qu’ils n’ont pas en Europe.

Le déséquilibre hommes / femmes est alors horrible. Nos ancêtres ne se comportant pas comme des sous-produits de l’humanité, ils ne font pas des razzias chez les autochtones pour voler toutes leurs vierges. Et il est hors de question de créer des harems d’esclaves comme si l’on était des Ottomans !

Heureusement pour eux, le roi veille sur ses sujets et ses nouveaux territoires. Louis XIV comprend que ces hommes ont besoin de femmes. Un homme sans femme et sans famille est un homme incomplet. On ne crée pas des sociétés grandes et saines avec des frustrés sexuels sans héritage à donner.

En plus, le roi a le souci de rendre le Canada plus attrayant. Son ministre Colbert pense qu’une arrivée massive de femmes serait un incitatif efficace pour que de jeunes militaires acceptent de s’établir dans la colonie canadienne. Leur présence est indispensable pour le développement et la sécurité, car les maudits Anglais sont toujours prêts à nous voler.

Le premier intendant de la Nouvelle France pousse également dans ce sens et veut que ses territoires se développent. Il s’appelle Jean Talon. Pour la petite histoire, il n’est pas oublié par les Québécois aujourd’hui et son nom a servi pour nommer de nombreuses rues et autres lieux.

Je ne savais pas où inclure dans ma vidéo un éclaircissement qui me semble nécessaire, donc je le fais maintenant. Je précise pour ceux qui s’emmêlent dans les termes. La Nouvelle-France est un ensemble de territoires qui a compris l’Acadie, la Louisiane et le Canada. Puis, dans un Canada relativement petit à ses débuts, il y a eu la création de la ville de Québec. La création d’une province également appelée « Québec » au sein d’un Canada devenu plus grand est plus tardive. J’espère avoir été clair dans mes explications.

Abonnez-vous à mon infolettre gratuite (2 email/semaine max)

Soyez averti par mail des sorties de mes vidéos et créations, et recevez mes recommandations historiques !

Je déteste le spam et ne partagerai jamais votre mail à un tiers.

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.

Les arguments précédents justifiant l’arrivée de femmes dans la colonie sont probablement moins importants que le besoin d’obtenir une natalité plus forte. Louis XIV n’a peut-être pas fait l’ENA, mais il saisit vite que quand seuls de jeunes hommes émigrent, cela crée une disproportion entre le nombre d’hommes et de femmes, et ce n’est pas en frottant deux zizis ensemble que l’on obtient un nouveau bébé français en Amérique du Nord.

Or, sans augmentation de la population par la natalité, soit les Français s’éteindront, soit ils se mélangeront avec les autres civilisations au point de perdre leur francité. Un parallèle avec la France actuelle, notre démographie et notre immigration est évidemment facile à faire pour tout cerveau bien structuré.

Un noyau de familles françaises qui vivent de façon indépendante au Canada apparaît donc primordial pour la France. Mais, comment y parvenir ?

Les compagnies privées qui envoient des hommes pour le commerce de fourrures ou la pêche se fichent de ce besoin et ne veulent pas dépenser un centime pour des femmes moins productives que les hommes.

Seul le roi peut sauver l’avenir du Canada français. Il va le faire avec l’envoi de filles du Roy.

Les Filles du roi débarquent, et ce n’est pas pour du tourisme !

Les filles du Roy sont le nom donné aux femmes qui émigrent entre 1663 et 1673. Ce sont soit des femmes célibataires, soit des veuves. Rassurez-vous, elles sont consentantes.

Elles sont même séduites par des avantages. Le roi paie les frais de la traversée et les habille. En effet, il ne faut pas s’imaginer que les pionniers du Canada avaient de petites échoppes d’Européens. Beaucoup d’objets ne se faisaient pas encore sur place, et vous deviez embarquer des produits comme les chaussures, les gants, les ceintures, les coiffes… Les filles du Roy récupèrent aussi des accessoires comme des aiguilles, des ciseaux, des fils ou des couteaux pour pouvoir confectionner sur place leurs propres vêtements et assurer de nombreuses tâches manuelles. Et oui, les femmes qui peuplent nos arbres généalogiques n’étaient pas des incapables, mais des débrouillardes et des vaillantes !

Le roi leur donne également de l’argent pour la constitution de leur fameux trousseau de mariage, d’autres achats nécessaires pour l’installation outre-Atlantique et la dot de mariage. Les sommes versées vont de quelques dizaines de livres à près de 200 livres.

Munies de ce petit pécule, ces femmes entreprennent une aventure qui a de quoi effrayer. Entre la traversée de l’Atlantique sur un bateau qui n’a rien à voir avec un navire de croisière, l’arrivée dans un milieu hostile (que ce soit la nature, la météo ou certains peuples de sauvages, comme les saloperies d’Anglais), ces femmes nous prouvent que le courage était une qualité qui ne leur manquait pas !

Leur nombre est relativement important puisqu’elles sont 800 à embarquer pour le Canada en quelques années. On leur souhaite un bon mariage, mais l’objectif final ne doit jamais être oublié : faire des gosses ! Enfin, faire des enfants. Car aujourd’hui, au Québec, les gosses sont le nom vulgaire donné aux testicules…

La mauvaise réputation de ces femmes est une erreur grossière

Avant d’aborder les résultats impressionnants de cette arrivée massive de femmes, je veux vous éviter une erreur : ne croyez pas les quelques légendes qui font de ses femmes des êtres sans vertu.

Le roi n’allait pas donner son argent à des femmes qui ne le méritent pas, et n’allait pas envoyer des prostituées ou des condamnées pour peupler une colonie qu’il souhaite prospère.

Beaucoup de ces femmes ont eu un parcours de vie difficile, mais elles sont très respectables. Elles sont souvent des orphelines ou des veuves. Près d’un tiers d’entre elles sont même des miséreuses recueillies par la Salpêtrière à Paris. Elles sont donc heureuses de participer à la création de la Nouvelle-France plutôt que d’avoir une vie de misère à Paris, capitale sale et dangereuse.

Même si la vertu n’a rien à voir avec la grosseur de votre bourse ou votre niveau d’éducation, les premiers groupes de filles envoyées par le roi apportent un certificat de bonne conduite qui prouve leur rigueur morale.

Leur arrivée en Nouvelle-France

Ces nouvelles recrues pour le Canada, âgées de 16 à 40 ans, avec une moyenne de 24 ans, sont bien reçues. Quand elles débarquent, elles ne tombent pas dans une foire à bestiaux. Si vous imaginez un marché géant avec de pauvres femmes belles et naïves jetées en pâture à des soudards, arrêtez tout de suite.

Certes, nous ne sommes pas à l’époque du « Me too » et des hommes qui n’osent plus faire une blague sexuelle à une amie, mais les femmes sont chéries. Ce sont de futures épouses et l’image de leurs futures filles.

Elles sont tout d’abord logées et nourries dans la colonie aux frais du roi. Elles sont réparties entre les villes de Québec, de Montréal et de Trois-Rivières, une ville qui se trouve presque à mi-chemin entre les deux autres.

Pour la petite histoire, celles qui arrivent à Montréal sont accueillies par Marguerite Bourgeoys. Elle aurait été la première à utiliser l’expression de « Filles du Roy » pour nommer les filles à marier qu’elle reçoit dans sa congrégation de Notre-Dame de Montréal. Cette femme, Marguerite Bourgeoys, n’est pas n’importe qui. Pour son œuvre, elle a été béatifiée par Pie XII en 1950, puis canonisée par Jean-Paul II. Ce serait donc une Sainte qui a trouvé le nom resté dans l’histoire pour nommer les mamans de nombreux Québécois. Je trouve ça beau !

Mais, revenons à nos jeunes femmes logées et nourries temporairement. Comme la mentalité de vivre indéfiniment aux frais de l’État est un réflexe de peuple du XXIe siècle, elles se marient pour la plupart très rapidement pour fonder des familles.

Plaire aux hommes ne leur est pas difficile. Entre l’intérêt sexuel évident, leur dot payée par le roi et la faible concurrence féminine dans la colonie, elles ont le choix. Elles sont même en position de force. Elles semblent avoir sélectionné librement leurs maris, ou au moins avoir pu refuser ceux qui ne les intéressent pas, selon les critères qui comptent à leurs yeux comme la position sociale, les finances du mari, le lieu de vie, le métier… Bref, tous ces critères qui importaient beaucoup plus au XVIIe siècle que notre fameux « amour » d’aujourd’hui qui débouche sur 50% de divorces…

Le résultat est efficace : la population canadienne grandit

Pour ces filles du Roy, la vie est au départ très difficile. Elles étaient souvent des citadines et devenir une paysanne ne se fait pas du jour au lendemain. En plus, elles ne vivent pas dans une belle vallée au climat tempéré, mais dans des environnements sauvages où l’hiver s’accompagne d’un thermomètre à -30 degrés Celsius et de deux mètres de neige devant la porte de la maison construite par leurs maris qui n’ont aucune formation en « isolation des habitats ».

Encore aujourd’hui, des Français qui émigrent au Canada repartent, car les « hivers sont trop durs » et de nombreux québécois, que l’on surnomme les « Snowbirds » partent trois mois en hiver en République dominicaine ou en Floride. Et pourtant, ils vivent dans des villes où la municipalité entretient tout et dans un intérieur chauffé à 22 degrés. Alors, songez à la difficulté de la vie de ces pionnières qui n’avaient aucun confort !

filles du roy ont des enfants

Mais, elles ne terminent pas en dépression ou au bout d’une corde. Mieux, elles remplissent à merveille le rôle unique que Dieu leur a accordé : la procréation. Elles ne pensent pas à leur emploi du temps trop chargé, à la carrière à mener ou aux futures fins de mois difficiles. Elles réalisent la plus belle chose au monde : enfanter.

Les chiffres de la natalité explosent comme l’Afrique après l’arrivée des vilains Blancs qui mettent fin à la forte mortalité infantile. Quand je reprends mes statistiques officielles, le Canada passe de 2500 habitants en 1663 (l’année de l’arrivée des filles du Roy), à 6800 habitants en 1673, puis 10250 habitants en 1683. Avec des ventres comme ça, on repeuplerait la campagne française en 20 ans !

Bien sûr, cette augmentation n’est pas due qu’à leurs enfants. Des colons continuent d’arriver depuis la France. Mais, l’apport des Filles du roi est indéniable dans l’accroissement de la population. Uniquement à Québec, elles auraient donné naissance à 4500 enfants en moins de dix ans, soit près de six enfants par femmes sur une décennie. Il n’y a pas à dire, la nourriture non industrielle, le grand air, l’effort physique et l’hiver enfermé dans la baraque, ça rend les couples actifs au lit et fertiles !

Ce nombre prouve aussi que les civilisations naissent et meurent par le ventre des femmes.

La population du Québec d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celles de 1900, mais pour les habitants qui sont des pur-sang, nombreux d’entre eux ont leur arbre généalogique qui remonte jusqu’aux filles du Roy.

Il y a une société d’histoire qui a mis en ligne la liste de toutes les femmes qui ont été des filles du Roy. Voici le lien : https://www.histoirefillesroy.ca/wp-content/uploads/2023/01/2023-01-15-mise-a-jour-recension.pdf. Si vous avez un nom français, vous découvrirez peut-être que des femmes avec votre patronyme ont été des filles du Roy. J’espère juste pour vous que vous ne partagez pas le nom des lignes 43 à 45 qui est « Baiselat ». Quand on les a présentées à leurs futurs maris, cela devait être quelque chose.

« Bonjour Louis. Je te présente une nouvelle arrivante, Françoise Baiselat.

Euh, vraiment ? Comme ça, sans se connaître ? Quel endroit, j’ai vraiment bien fait d’émigrer ici !

Mais, lâchez-moi, Monsieur ! Je ne suis pas une Madame de Pompadour. »

Plus sérieusement, les filles du Roy sont encore célèbres dans la culture québécoise actuelle. Des parcs portent leurs noms et quelques rues témoignent trop discrètement de leur histoire. Car, oui, combien d’entre nous connaissent l’histoire de la personne qui a donné le nom de leur rue ?

En tout cas, en tant que Français vivant dans cette magnifique province (oui, désolé mes amis québécois, vous n’êtes pas un pays, vous êtes une province), je voulais à tout prix vous faire connaître ces femmes qui ont rendu une installation permanente au Canada possible.

La Tête Haute Française, le site officiel de la chaîne YouTube dédiée à l'Histoire de France.

Où me trouver ?

La Tête Haute Française est présente sur Twitter, YouTube et Instagram.