Gambetta s’envole de Paris en ballon en 1870 !

J’ai envie de vous parler d’une anecdote surprenante : la fuite de Paris de Léon Gambetta. La ville étant assiégée par les Prussiens, il a pensé que la meilleure idée pour la quitter était de s’envoler via un ballon.

Et oui, il était un temps où nos députés, pour continuer une guerre, étaient prêts à jouer les aventuriers.

Cet événement original s’est déroulé en 1870. Je vous le raconte maintenant.

Les troupes de Napoléon III sont écrasées à Sedan

L’histoire débute sans Gambetta et en dehors de Paris. Prenons le cheval et déplaçons-nous vers le nord-est pour se rendre à Sedan. Le 1er septembre 1870, dans cette ville d’Ardennes, Napoléon III perd LA bataille décisive pour conserver son empire.

Son armée mal préparée est décimée sur un terrain peu favorable. Quelques milliers de morts, plus d’une dizaine de milliers de blessés, et surtout plus de cent mille prisonniers transforment la France en paillasson pour Germaniques. Cette défaite est une calamité puisque les Prussiens ont le champ libre et ne s’en privent pas pour accourir en direction de Paris. Ils ne veulent pas battre les Français, ils veulent les écraser et les humilier.

Mais, Napoléon III compte aussi d’autres ennemis qui veulent profiter de sa chute et vite réagir : ses adversaires politiques. Au premier rang des Républicains convaincus que le moment est venu d’en finir avec l’Empire, vous retrouvez Léon Gambetta.

Comme beaucoup de politiques depuis la Révolution française et jusqu’à maintenant, comme Robespierre, Danton ou Sarkozy et Marine Le Pen, Gambetta débute comme avocat et incarne rapidement l’aile radicale des républicains. À 30 ans, il est déjà un personnage qui compte dans le panorama politique et se retrouve député en 1869.

Fidèle à son courant politique, il voit dans les changements des opportunités. La défaite de Sedan lui apparaît comme une chance en or d’aller de l’avant.

Quand il apprend la captivité de l’Empereur, il n’allume pas des bougies pour soutenir l’Empereur captif et célébrer la mémoire des morts au combat. Il se dépêche de proclamer la République à l’Hôtel de Ville de Paris le 4 septembre 1870. C’est un acte opportuniste, mais quelles étaient ses autres solutions ?

Dans ces épisodes d’incertitudes, le premier qui réagit remporte souvent la mise. Si Gambetta n’avait rien fait, peut-être que l’extrême gauche en aurait profité pour tenter de prendre le pouvoir. En plus, dans un Paris sans gouvernement, le risque d’anarchie était réel.

Dans la foulée, Gambetta est nommé ministre de l’Intérieur et prend vite des mesures fortes comme le remplacement des anciens préfets du Second Empire par des républicains qui sont pour la plupart sans expérience. Cette décision prouve son courage politique, mais aussi son penchant pour les choix autoritaires et les idées foireuses, car ce n’est pas en pleine guerre que vous devez nommer des novices !

Car, la situation n’est pas facile puisque les Prussiens ne comptent pas s’arrêter à Sedan. Pire, ces vilains progressent vite. Mi-septembre, ils assiègent déjà la capitale. Les Parisiens qui sont plus souvent habitués à suivre les guerres nationales via les journaux qu’en bas de leurs fenêtres sont en émoi. En plus, quelques jours plus tard, les Prussiens coupent tous les moyens de communication.

Comment continuer la lutte ? Gambetta qui ne veut pas se rendre et croit en la victoire française trouve une solution originale : quitter la capitale en ballon pour reconstituer une armée en province capable de battre ces satanés Prussiens.

S’est-il inspiré des écrits de Jules Verne pour décider que s’enfuir en ballon, c’était plus classe que de tenter une fuite déguisée en prolo qui rentre dans sa province ? Ou s’est-il inspiré de la guerre de Sécession américaine durant laquelle les armées de l’Union ont utilisé des ballons à gaz pour observer les déplacements adverses ?

Qu’importe le responsable de l’étincelle, l’acte fait rentrer Léon Gambetta dans la légende !

Je précise que Gambetta ne sera pas le premier Parisien à s’envoler en ballon. Plusieurs autres ballons transportant des lettres et des dépêches destinées aux membres du gouvernement présents à l’extérieur de Paris décollent les jours précédents.

Puis, près de 60 autres ballons feront de même après et cela, jusqu’à la fin du siège de Paris en janvier 1871. Une statue construite en 1906 par Auguste Bartholdi rendait hommage à tous ces aéronautes courageux, mais en 1942, sous Pétain, elle a été fondue pour que le métal serve à l’effort de guerre allemand.

La fuite en ballon le 7 octobre 1870

La fuite mythique en ballon de Léon Gambetta se déroule le 7 octobre 1870. On peut critiquer l’homme et ses idées politiques, mais ce panache si typique du caractère français s’admire. Et entre nous, qui parmi nos politiciens d’aujourd’hui aurait le courage d’une telle fuite ?

Mais, le ballon qui s’envole et se pose plus loin sans difficulté ; c’est de la théorie. Comme toujours, la pratique est plus complexe.

Avant, il a fallu fabriquer le ballon puisque, bizarrement, on trouvait moins de ballons que de chevaux à Paris. La fuite n’est donc pas une pulsion assouvie quelques heures après un rêve à la Indiana Jones. Gambetta planifie son aventure avec et obtient l’aide de Nadar, un photographe et un aérostier.

Pendant plusieurs jours, une petite entreprise se met au travail. Les marins et les gendarmes fabriquent et nouent les cordes, des ouvrières conçoivent la nacelle, les ateliers de Montmartre tissent et assemblent les toiles, tandis que des usines à gaz remplissent l’engin de son énergie.

D’ailleurs, je précise que j’ai lu sur plusieurs sites des articles qui écrivent « montgolfière », mais sauf erreur de ma part, les ballons et les montgolfières ne sont pas la même chose, et notre bon Gambetta a utilisé un ballon, pas une montgolfière.

Pour montrer que les Français ne font jamais les choses à moitié, le ballon est même nommé. On choisit le nom d’Armand Barbès. Cet ardent républicain mort quelques mois avant reçoit ainsi un bel hommage, bien mieux que la rue actuelle dégueulasse qui porte son nom à Paris.

Gambetta n’agit pas en secret. Les badauds voient le ballon de 16 mètres de diamètre et la rumeur circule vite dans la capitale : Gambetta va s’enfuir pour mener la lutte.

Trois ballons s’envolent en milieu de matinée. Selon Victor Hugo qui vient de rentrer d’un long exil de près de vingt ans et qui assiste à l’événement, le ballon de Gambetta a une flamme tricolore qui pend. Il est assisté d’un homme apte à piloter cet engin qui, sans être compliqué comme une fusée de la NASA, reste moins simple à manœuvrer qu’une bicyclette.

Le hic est que quand un ballon s’élève, votre marge de manœuvre est limitée. Le vent décide pour vous du trajet à emprunter. Or, le vent souffle vers le nord et Gambetta se dirige vers les Prussiens. Ces derniers attrapent leurs armes et tirent en direction du ballon. Les évadés ont le bon réflexe de lâcher du lest, le ballon prend de la hauteur et s’éloigne de la capitale et des vilains à l’accent allemand.

Plusieurs heures après, en plein milieu de l’après-midi, le ballon termine son voyage et atterrit dans un champ. Il n’a pas voyagé au-dessus de terres inconnues comme dans un roman de Jules Verne. Il a juste fait un Paris – Beauvais, cela fait moins rêver, mais c’est suffisant.

Gambetta et son acolyte profitent du patriotisme paysan. Ils sont vite aidés par les habitants. En effectuant un mélange de trajets en voiture à cheval et en train, ils arrivent trois jours plus tard à Tours.

Depuis cette ville, puis à Bordeaux où il finira sous la pression des Prussiens, Gambetta peut travailler à la création d’une nouvelle armée de braves français.

Le résultat est spectaculaire et surprend même les Prussiens qui ne s’imaginaient pas un sursaut aussi rapide. En quelques mois, plusieurs centaines de milliers de Français se lancent à la chasse aux Germaniques.

Malheureusement, la suite est moins glorieuse pour Gambetta qui se retrouve vite critiqué pour ses choix militaires hasardeux. L’avocat député a pu se transformer en pilote de ballon, mais aura beaucoup plus de mal à se transformer en stratège militaire ou en meneur d’hommes. N’est pas Ferdinand Foch qui veut ! 

Il démissionne même de son poste de ministre de l’Intérieur le 6 février 1871. Mais, cela n’est que partie remise puisqu’il ira jusqu’au poste de Président du Conseil des ministres une décennie plus tard. Mais, je m’égare du sujet initial. C’est le problème avec l’histoire, c’est tellement passionnant que vous passez de A à Z sans vous en rendre compte !

Donc, pour conclure avec l’épopée de Léon Gambetta, je lui attribue la note de 10/10 pour la fuite en ballon et cet esprit magnifique d’homme qui ne sombre pas dans la défaite, mais réagit et se bat pour son pays. Mais, c’est plutôt un 4/10 pour son action militaire par la suite, avec une vraie capacité à recréer une armée valide mais des décisions foireuses pour la mener.

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