Les grosses erreurs de Jacques Cartier trop souvent ignorés !

En explorant le golfe du Saint-Laurent comme personne avant lui, le Malouin Jacques Cartier a forgé sa légende. Dans la culture populaire, il est même resté comme celui qui a découvert le Canada.

Mais, quand on présente son œuvre, une chose est trop souvent ignorée : les loupés de Jacques Cartier ! Enfin, loupés et coups bas. Car, vous allez voir, il n’a pas fait que du beau !

Si Cartier a été importantissime dans la découverte de terres nord-américaines et sa cartographie, il s’est aussi montré manipulateur et déloyal, ce qui a causé la mort de nombreux français. Encore pire, son dernier voyage que je présente en fin de vidéo se termine en honte monumentale…

La méconnaissance de l’hiver

Je commence par le Cartier des débuts, celui de 1534.

Dès son premier voyage en Amérique du Nord, Cartier échange avec les Amérindiens. Il veut tout connaître de leurs terres et rêve de découvrir un passage vers l’Asie. Son premier interlocuteur important est le chef Donnacona qui se trouve à Stadaconé, qui correspond à l’emplacement actuel de la ville de Québec, en beaucoup plus petit, évidemment.

Ces débuts sont positifs. Mais, Cartier ressort vite un défaut classique chez nous autres, les Français : croire que l’on sait tout mieux que tout le monde. Quand les Amérindiens veulent que les Français retournent en France, ils lui font comprendre que l’hiver qui s’annonce sera terrible.

Cartier n’a pas peur et se moque de leurs singeries, car oui, les Amérindiens ont eu l’idée de lui indiquer le danger imminent par des danses étranges dans des accoutrements qui ne le sont pas moins…

L’hiver, Cartier connaît. Enfin, il pense le connaître. À Saint-Malo, quand il pleut pendant 10 jours sans s’arrêter, les Parisiens s’enferment comme des hamsters en cage, alors que lui part voguer. Il s’imagine un épisode similaire.

Sauf que quelques semaines plus tard, il comprend son erreur. La glace entoure les bateaux, la neige s’accumule, les boissons gèlent et la nourriture se fait rare. L’hiver se révèle être un enfer pour l’équipage et les autochtones doivent probablement se moquer de ce têtu qui ne les a pas écoutés…

Le scorbut frappe, Cartier trouve le remède et ne le partage pas…

Mais, il y a encore pire. Le régime nutritionnel de Cartier et de ses hommes ferait peur à tout nutritionniste et les conséquences de la carence en vitamines C ne tardent pas à se faire sentir. Le terrible scorbut touche l’équipage. Les premiers symptômes sont des enflures et une pourriture de la gencive. Puis, les dents tombent et le corps se couvre d’hématomes. Même marcher devient un enfer…

En février 1536, 8 Français meurent du scorbut. Mais ce n’est rien par rapport au nombre des blessés qui sont bien partis pour les suivre dans l’au-delà. Près d’une centaine d’autres, soit pas loin de l’ensemble de la communauté, commencent à ressembler à des zombies. Ils ont les chicots qui tombent et deux de tension.

Heureusement pour eux, Cartier le malin est là. Car si je montre quelques loupés de Cartier dans la vidéo, il ne faut pas le transformer en monstre idiot. Ce n’est absolument pas ce type d’hommes et je pourrais probablement faire une autre vidéo aussi longue sur ses qualités et ses réussites…

Tel un héros, Cartier va sauver son équipage. Il se souvient qu’il avait eu un interprète autochtone qui avait souffert du scorbut. Mais, au lieu de souffrir puis de mourir, il est revenu quelque temps plus tard gai comme un pinson. Comment a-t-il fait ? Il doit trouver la recette du miracle.

Il va donc voir cet homme avec l’espièglerie d’un courtier en assurances et lui demande comment il peut soigner l’un de ses serviteurs qui souffre du scorbut. L’autre qui n’aurait peut-être pas voulu aider un Français installé sur ses terres donne instantanément sa solution en pensant aider l’un des siens. La recette est une simple tisane faite à partir de feuilles d’un arbre qu’il nomme « annedda ».

Ni une, ni deux, Cartier se dépêche de se transformer en fabricant de tisanes. Quelques jours plus tard, ceux qui voyaient la faucheuse poireauter se relèvent. Ils survivent grâce à Jacques Cartier.

Mais, si Cartier sauve des vies avec cet acte, combien en condamne-t-il en ne partageant pas son secret ultérieurement ?

Car quelques années plus tard, en 1541, quand il croise La Rocque de Roberval qui arrive avec plus de 200 personnes, dont des femmes et des enfants, il ne le prévient pas du scorbut qui risque de toucher fortement la population, et encore moins, du remède simplissime qui permet de survivre. Cette méconnaissance sera fatale à une partie d’entre eux.

Pendant plusieurs décennies, le scorbut tuera des centaines, voire des milliers de Français en Amérique du Nord.

Cartier a bien parlé du remède lors d’un retour en France, mais il y a une différence entre l’écrire dans des manuscrits uniquement consultés par des spécialistes et aider et aiguiller de jeunes colons qui arrivent.

D’ailleurs, pour la petite histoire, l’annedda deviendra une énigme digne du Graal pendant longtemps. Chez les autochtones aussi, il y a des guerres, des migrations, des épidémies. Quand de prochains équipages français rechercheront l’annedda évoqué par Cartier, ils découvriront que le peuple vivant désormais sur place ne connaît pas la plante. Il faudra attendre la découverte de Jacques Rousseau (qui n’est pas Jean-Jacques Rousseau) 400 ans plus tard pour comprendre que l’annedda est le cèdre blanc d’Amérique.

Cartier capture des opposants indigènes !

Je continue avec un épisode peu glorieux : un kidnapping pur et simple. Oui, Cartier a fait le Dutroux. Bon, rassurez-vous, son kidnapping est très différent. Il n’a pas enfermé une pauvre gamine dans une cave.

Les contacts avec les Amérindiens ont évolué au fil des présences de Cartier. À force de connaître le loustic, certains autochtones ont fini par ne plus aimer ses comportements, comme sa manie de planter des croix chrétiennes de 15 mètres sur leur terre ou sa construction d’un grand fort sécurisé par de l’artillerie.

Au départ, ils espéraient réussir quelques trocs de fourrures contre des denrées et voilà qu’ils se rendent compte que les Européens veulent s’implanter. Les relations ne sont donc plus au beau fixe.

Or, comment faire quand des voix s’élèvent contre vous ? Cartier ne peut pas débattre, présenter les pour et les contre, alors qu’il est déjà difficile de se faire comprendre lors des échanges commerciaux. Il trouve une idée bien moche.

Il profite d’une cérémonie religieuse pour procéder à la capture de ses principaux opposants, dont le chef Donnacona. Puis, il se dépêche de repartir avec ses prisonniers en France et ne laisse sur place que des soutiens, ou au moins, des autochtones qui ne contredisent pas ses plans.

Certes, Donnacona ne vivra pas en France dans une prison, ne sera pas maltraité et sera plutôt bien nourri aux frais du roi, tout en racontant à qui veut l’écouter qu’il est le chef de la plus grande nation du Canada. Mais, un enlèvement reste un enlèvement.

Cet acte en met un petit coup à la réputation d’un Cartier qui aurait entretenu de super rapports avec les anciens peuples d’Amérique.

Roberval trahit par Cartier

Précédemment, je vous ai parlé de Roberval et de ses hommes et femmes sévèrement touchés par le scorbut. Plongeons davantage dans l’histoire qui entoure cet épisode. Elle est la plus grosse erreur de Cartier.

Nous sommes en 1540 et lorsque François Ier décide d’une nouvelle aventure au Canada, il ne choisit pas Cartier pour chef d’expédition. Cela est assez logique, Cartier est un explorateur et le roi veut, ce coup-ci, plus que de la cartographie et la promesse d’échanges commerciaux. Il veut une colonie et la direction d’une colonie ne peut se faire que par un noble. Ce sera donc La Rocque de Roberval. Cartier accepte et avale la pilule comme si c’était une boule puante.

Il part en 1541 avec un peu d’avance sur Roberval pour préparer le terrain pour la colonie. Je précise qu’il n’en profite pas pour ramener chez eux les prisonniers faits cinq ans plus tôt à Stadaconé. Une fois sur place, il prévient tout de même les Iroquoiens que leur chef Donnacona est mort en France.

Avec une telle information, vous imaginez bien que les autres ne sautent pas de joie comme si Cartier était le Messie de retour. Après quelques autres désaccords, ils deviennent agressifs et des colons français sont tués. Cartier repart en 1542. Sur la route du retour, il croise Roberval qui arrive et l’avertit de la situation.

Roberval lui dit alors de ne pas rentrer en France, de rester avec lui et qu’ensemble, ils vont mater les indigènes qui osent se rebeller et s’installer. Après tout, ce n’est pas en s’enfuyant avec la queue entre les pattes que les lions sont devenus les rois de la jungle.

Le hic est qu’au réveil, Roberval déchante. Cartier n’est plus là. Le speech qui lui a servi aurait dû le motiver comme Rocky avant d’affronter Ivan Drago et pourtant, le Malouin s’est enfui pendant la nuit.

Les conséquences sont terribles. Premièrement, nous l’avons vu, Roberval n’a pas le secret du remède contre le scorbut et cela sera terrible pour les siens. Il ne profitera également pas des connaissances de Cartier pour survivre durant les terribles hivers canadiens. Deuxièmement, ces tracas et l’impossibilité de commercer avec des indigènes agressifs provoquent l’échec de cette tentative initiale d’implantation d’une Nouvelle-France.

Roberval et les survivants reviennent en France un an plus tard et il faudra attendre plusieurs décennies pour qu’une installation française durable au Canada soit faite.

Pour cet acte, Cartier est puni. Sa trahison envers son supérieur Roberval et sa désertion sont révélées. C’est la fin de sa carrière publique.

Cartier a trahi pour des pierres sans valeur…

En écoutant mes mots, vous vous demandez sûrement pourquoi Cartier a voulu rentrer si vite en France. Ce n’est pas par nostalgie de Saint-Malo ou par peur de ses adversaires iroquoiens, mais pour la raison numéro une des faiblesses humaines : l’argent ! Enfin, restez avec moi, car vous allez voir son argent…

Quand il croise Roberval et que ce dernier lui demande de repartir vers le Canada, Cartier a les cales de bateaux bien pleines. Il a trouvé avant de partir de quoi le rendre riche. Plein d’or et de diamants sont sur le bateau. Sa trahison de Roberval est donc en partie motivée par l’envie de vite rentrer en France pour intégrer le cartel des mecs les plus blindés du royaume. Imaginez la renommée et la richesse qui l’attend, lui, l’homme qui sait où trouver d’immenses quantités d’or et de diamants…

Mais il y a un souci : il a pris des vessies pour des lanternes. L’expertise est formelle. Son magnifique or est de la pathétique pyrite de fer. Quant à ses diamants, il s’agit de simple quartz.

Le résultat ? Il fait rire ses détracteurs et une expression existe depuis ce jour : « faux comme diamants du Canada ».  Il laisse aussi un drôle de nom de lieu : « Cap-aux-Diamants », aujourd’hui simplifiée en « cap Diamant ». C’est le nom de la face d’une colline à Québec sur laquelle Cartier avait trouvé son trésor de pacotille.

J’en profite donc pour terminer ma vidéo en vous avertissant. Si vous visitez la ville de Québec, ne faites pas votre Jacques Cartier. Ne recherchez pas dans les roches du cap Diamant des diamants, car en plus d’être pris pour un fou par les Québécois, vous y trouverez que de la pierre sans valeur.

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