Impossible de ne pas connaître le mot « Harkis ». Durant mes années de lycée, c’était même une insulte fréquente dans les couloirs de mon établissement. Pour tous ceux qui avaient un cerveau gros comme un raisin, cela signifiait « traître ».
Pourtant, les harkis n’étaient pas des traîtres et l’histoire est bien plus complexe que cela. Oublions le temps d’un article, les raccourcis et les déformations dues à la politique actuelle et replongeons dans la vérité historique. Nous devons cela aux harkis et à leurs descendants, mais aussi aux Français et aux Algériens.
Qui étaient-ils ? Que faisaient-ils ? Pourquoi ? Que sont-ils devenus ? Pourquoi la France et l’Algérie devraient-elles avoir honte du traitement des harkis à l’indépendance ? Que de questions et malheureusement, les réponses ne sont pas toutes belles. Je vous préviens, il n’y a pas de belle fin dans cette histoire.
L’histoire des harkis en vidéo !
Durée de la vidéo : 25 minutes
Qui étaient réellement les harkis ?
Il est temps de revenir aux faits et d’oublier la croyance consistant à dire les harkis étaient tous d’affreux traîtres luttant contre la naissance d’une nation algérienne.
Au départ, le terme « Harkis » est donné aux Algériens musulmans qui ont combattu dans l’armée française.
Mais, au fil des années, le terme est devenu plus global et désormais, quand on parle de harkis, on évoque tous les supplétifs qui ont travaillé avec la France. Cela comprend des civils et des militaires.
Pour éviter les listes foireuses, je me base sur une source qui parait crédible : le site officiel harkis.gouv.fr. Il est écrit que les harkis désignent :
- Tous les supplétifs
- Les harkis que l’on peut qualifier d’originels et qui étaient dans les formations militaires appelées les harkas
- Les moghzanis qui étaient dans les sections administratives spécialisées ou urbaines
- Les groupes mobiles de sécurité
- Les groupes d’autodéfense
- Les unités territoriales créées à partir de 1958
- Les militaires sous contrat : les tirailleurs algériens, les zouaves et les spahis
- Les forces de police auxiliaire qui travaillaient en métropole contre le FLN.
Les harkis ne sont donc pas un petit groupe, mais une véritable masse de personnes. Certaines sources évoquent plusieurs centaines de milliers de harkis. Cela ferait beaucoup de traîtres, non ?
Il faut prendre en compte qu’il y avait un roulement parmi les effectifs. Un harki n’est pas un contrat à vie comme ceux de nos fonctionnaires.
Beaucoup travaillaient pour la France quelques mois ou quelques années tout au plus. Certains emplois étaient même occupés par des journaliers.
Les missions des harkis sont larges. La culture populaire algérienne ne semble se rappeler que de militaires qui torturaient des civils. Ne cherchons pas le mouton noir pour qualifier le troupeau de dégénérés !
En réalité, il y avait aussi des fonctions policières et de sécurité, de surveillance (je pense notamment aux GAP, les groupes d’autodéfense), mais aussi du personnel médical, des interprètes, des guides… Bref, c’est un ensemble de professions très vaste.
Plus le conflit de l’indépendance s’est montré dur, plus la France a recruté de harkis. Et accessoirement, plus les Français ont dépensé de l’argent pour maintenir un territoire qui ne leur appartiendra plus à court terme ! En 1961, le nombre de harkis est estimé à 150 000 personnes.
Je précise que tous les harkis n’étaient pas rémunérés. Certains étaient bénévoles, récoltaient un fusil et avaient pour simple mission d’alerter l’armée si les indépendantistes armés étaient aperçus.
Pourquoi la France recrutait-elle des harkis ?
Bonne question ! L’objectif n’était pas de se doter d’une collection d’images Panini de tous les faciès de villageois algériens.
Tout d’abord, il y a un côté pratique à ce recrutement : la France avait besoin d’hommes pour certaines missions. Par exemple, il était impossible de mettre des soldats français partout pour assurer la sécurité de tous les villages ou surveiller les mouvements des adversaires.
Cet apport permettait aussi d’améliorer l’image de la France. Quand vous aviez des Européens accompagnés d’Algériens qui venaient dans les villages pour donner de la nourriture ou soigner les enfants, c’était la meilleure publicité possible pour le maintien d’une Algérie française.
L’aspect international n’est pas à balayer d’un revers de main. La France n’est pas la Russie et nous tremblons toujours des fesses quand les autres ne nous aiment pas.
À l’époque, la décolonisation est un sujet mondial et personne, à part les Français, ne semble comprendre pourquoi l’Algérie n’est pas le Maroc.
Pour nous, comprenez les Français de l’époque (pas vous et moi aujourd’hui devant notre écran d’ordinateur), l’Algérie est un département français, pas une simple colonie.
Avec les harkis, la France dispose d’un bon argument pour affirmer au Monde que les Algériens ne sont pas tous contre la présence française.
Pourquoi devenait-on harkis ?
Le souhait de garder l’Algérie française
Dans le meilleur des mondes, la réponse serait uniquement le souhait de garder l’Algérie française. Il y a une partie des supplétifs qui s’engagent pour ce motif noble. N’oublions pas que l’Algérie est française depuis un siècle, que les Algériens apprennent l’amour de la France à l’école et qu’une partie de leurs hommes se sont battus courageusement pour la patrie lors de la Seconde Guerre mondiale ou même en Indochine.
Dans un autre article, j’ai évoqué le sportif Alain Mimoun. Né en Algérie, il était un fier patriote français. La France était son pays et il s’est engagé dans l’armée en 1939 avec le cœur bleu, blanc, rouge.
Mais, d’autres critères entrent en ligne de compte pour s’engager comme harkis.
Le besoin d’argent
Vous avez aussi des Algériens qui s’engagent pour avoir un travail, de l’argent et de quoi nourrir leur famille. Le salaire est correct et pour les habitants pauvres des campagnes, c’est même une aubaine !
En regardant de vieilles photos, il est facile de tomber sous le charme des belles rues d’Alger et de ce mélange d’Europe et d’Afrique du Nord. Ne faites pas les bobos qui pensent que Paris est la France et qu’Alger était l’Algérie. En campagne, la réalité était toute autre.
Les inégalités raciales étaient dramatiques. Les musulmans habitant de petits villages étaient souvent très pauvres, occupaient des emplois saisonniers mal payés et l’idée de gonfler leurs revenus grâce à la mère-patrie faisait saliver.
La peur de l’ALN et des autres indépendantistes
Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’engagement à cause de la peur. Quand vous vous engagez dans un groupe de sécurité bénévolement, votre souhait est simplement de protéger vos proches et vos voisins.
L’ALN (Armée de Libération Nationale), la branche militaire du célèbre FLN (Front de Libération Nationale), sévissait. Les membres de cette ALN n’étaient pas des tendres et ils ont fait de véritables massacres dans les campagnes. Ils avaient parfois plus d’armes que de neurones !
Le meilleur exemple que j’ai en mémoire est celui de la nuit rouge du 13 au 14 avril 1956. Les villageois de Tifraten sont soupçonnés par l’ALN d’être des soutiens des forces françaises. Quand l’ALN pénètre dans le village, ils se comportent comme des loups affamés face à des bêtes sans défense. Tous les habitants trouvés sont tués. Même les enfants et les femmes sont torturés et égorgés.
Vous imaginez bien que si vous êtes témoin d’un acte pareil, vous avez peut-être envie d’aider les Français, de récolter quelques fusils et de vous défendre, qu’importe vos idées politiques initiales sur l’indépendance. L’ennemi de mon ennemi est mon ami !
J’allais oublier quelques historiens qui relèvent que certaines familles tentaient de jouer dans les deux camps, avec des membres harkis et d’autres proches du FLN. Ainsi, qu’importe le résultat du conflit, des arguments permettraient de sauver les apparences. Bon, si cela a bien existé, je pense que cette stratégie que n’aurait pas reniée un Machiavel reste minoritaire.
Pourquoi les harkis sont-ils détestés par les Algériens à l’indépendance et encore aujourd’hui ?
Parce que ce sont de mauvais gagnants ! Non, soyons plus sérieux et développons davantage.
D’ailleurs, je me dois de préciser que mon article contient évidemment de grosses généralités. Quand je résume la position officielle du FLN aujourd’hui, je ne signifie pas que tous les Algériens pensent ainsi. Si je souhaite que les harkis ne soient pas résumés aux quelques traîtres ou mecs qui torturaient, ce n’est pas pour faire la même chose avec les Algériens d’aujourd’hui. La parenthèse est finie. Revenons aux motifs avancés pour assumer la haine actuelle envers les harkis.
En France, le conflit en Algérie appartient au passé et on le regarde même de très loin. Dans notre culture actuelle, les colonies et les expansions territoriales passées ne sont plus vus avec fierté.
Il y a toujours un politique idiot pour jouer un numéro de repentance de temps en temps, mais cela s’arrête là. Il n’y a pas de vraie réflexion derrière.
D’ailleurs, on a même tendance à oublier le plus important, les faits historiques.
Combien de personnes, parmi celles de 50 ans et moins, savent que la guerre d’Algérie aurait pu terminer en guerre civile en France ? On a presque oublié la guerre, les attentats, l’OAS, les porteurs de valises, le putsch des généraux, les rapatriés en urgence, la tentative d’assassinat de Charles de Gaulle… Mon dieu, quelle époque !
Si vous pensez que la crise des gilets jaunes a failli renverser le Président, dites-vous que c’était des débordements d’enfants par rapport aux répercussions de la crise algérienne !
En Algérie, cette guerre d’indépendance n’est clairement pas oubliée. C’est même le totem d’immunité du gouvernement qui aime la ressortir pour ressouder les équipes et pour faire oublier leurs manquements envers leur peuple, leur corruption et leurs comportements de dictateurs.
« Bonjour M. Tebboune ? Avez-vous un mot à dire sur les 12% de chômeurs ?
– Pas du tout, c’est la faute des colons et des harkis. Voyez ça avec la France ».
Vous savez le pire ? Je ne suis pas loin de la vérité !
Le roman national algérien
Les harkis font partie du roman national algérien. Ce sont les vilains américains pour Coréens du nord. Ce sont les méchants qui ont aidé les affreux Français contre un ensemble de musulmans nationalistes et soudés. Encore en 2000, Bouteflika qualifiait les harkis de collabos. C’est assez paradoxal pour ce président qui était tout heureux de se faire soigner en France aux frais du contribuable français… Cela nous permet aussi de voir que le gouvernement français aime toujours autant se faire faire caca dans la bouche.
Des lois très tardives en Algérie sont même discriminantes contre les harkis. En 1999, une loi algérienne supprimait les droits civiques et politiques des harkis. En 2012, une autre leur interdisait de fonder un parti politique. Je crois qu’il y a aussi des lois qui touchaient les enfants de harkis.
Ce souhait de maintenir un sentiment anti-français et anti-harkis est vivace. Ce serait cependant réducteur et probablement, malhonnête, de citer que cette raison. Il y a quand même des raisons plus légitimes de prendre les harkis pour le Grinch.
Le rappel de la peur du harki
La haine vivace du harki est aussi le rappel de la peur qu’il avait créée. Dans les réseaux indépendantistes, il y avait une peur constante du traître qui œuvrait pour la France et jouait un double jeu. De véritables purges ont eu lieu dans les mouvements pour tenter de supprimer les infiltrés au service de la France.
Il n’y avait pas de présomption d’innocence ou de droit à un avocat gratuit. La justice tranchait. Et dans cette phrase, la justice est un synonyme du sabre qui s’abat. À la moindre suspicion d’être un harki, le membre était tué. Dieu seul sait le nombre de morts accusés d’être des espions alors qu’ils étaient honnêtes, totalement engagés et auraient mérité de voir leur Algérie indépendante. Mais bon, le processus était : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. »
Il est à noter que des retournements de vestes ont existé. Des harkis ont pris fait et cause pour l’indépendance, et des indépendantistes ont fini harkis. Ces derniers avaient souvent l’impression de devoir prouver plus que la moyenne et se montraient rarement les derniers pour transformer des mecs en steaks hachés.
La peur du harki était également physique, militaire… Parmi les supplétifs, une partie d’entre eux était avec l’armée française et participait donc aux combats. Beaucoup avaient participé à la guerre mondiale ou à l’Indochine. Donc, au moment d’appuyer sur la détente, ils avaient moins d’hésitations que Joe Biden en plein débat.
Des harkis avaient aussi leur place dans la salle de torture. Si vous torturez un gars pour obtenir des informations, mais que vous ne connaissez pas sa langue, l’interrogatoire tourne un peu en rond. Des supplétifs parlant l’arabe servaient donc de traducteurs ou même de bourreaux.
Je termine avec un autre exemple de la peur suscitée par les harkis. Une autre section de harkis qui a semé la terreur opérait en France. En début d’article, j’ai nommé tous les groupes appartenant au terme de « harkis ». Dedans, il y avait les Forces de Police Auxiliaire qui étaient des Algériens musulmans employés en France métropolitaine pour abattre les réseaux favorables à l’indépendance.
Lâchées en plein Paris sans consigne de modération, ces forces ne faisaient pas dans la dentelle. Ce n’étaient pas des chiens qui aboient sans oser faire mal. Avec eux, les interrogatoires musclés et les disparitions mystérieuses étaient la norme.
Encore une fois, pour expliquer la permission de telles violences, il faut rappeler l’état de la France à cause du conflit algérien. Doit-on fermer les yeux sur de la torture et des meurtres quand on pense que cela sauve plus de vies et peut même éviter une guerre civile ? Je vous laisse répondre à cette question devant votre écran.
Donc, petit résumé de « Pourquoi les Algériens détestent-ils encore les harkis ? » :
- Le résidu de la peur que certains harkis suscitaient, avec leur travail d’espionnage, la participation aux tortures ou des actes violents contre les militants.
- C’est une partie intégrante du roman national et de la continuité du sentiment anti-français.
- Le harki n’est vu que sous la forme du supplétif participant aux combats.
Quel sort a été réservé aux harkis à la fin de la guerre d’Algérie ?
Cette question doit être traitée de deux façons :
- Le comportement de la France
- Le comportement de l’Algérie indépendante.
Rassurez-vous, Algériens et Français se sont comportés comme des minables. Mais, un seul des pays a choisi de les massacrer sans distinction…
Le sort des harkis réfugiés en France
En France, le souhait était simple : laisser les harkis en Algérie. Dès la signature des accords d’Évian en 1962, qui définissaient les conditions d’indépendance, les Français avaient voulu prendre des précautions en demandant qu’aucune vengeance ne soit faite contre les supplétifs qui avaient travaillé pour eux. Pour être trivial, exprimer cette demande était comme pisser dans un violon. Nous le verrons, les Algériens n’en avaient rien à faire.
Mais, restons sur le comportement de la France. Des arguments nobles pourraient être avancés en disant que nous ne voulions pas enlever la jeunesse algérienne ou continuer à créer une séparation entre les Algériens, mais ce serait faux.
Pour justifier l’indépendance, rappelons-nous les idées de Charles de Gaulle. Il avait dit qu’il ne pouvait pas y avoir des citoyens inégaux en France. Mais, à cause des réalités démographiques, l’intégration massive des Algériens musulmans en citoyens à part entière serait un désastre.
Selon Alain Peyrefitte, de Gaulle aurait dit : « Les musulmans, vous êtes allé les voir, vous les avez regardés, avec leurs turbans et leurs djellabas ? Si nous faisions de l’intégration, mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées. ». Le général n’était clairement pas un partisan de la créolisation comme un Mélenchon.
Cette citation, qu’elle soit vraie ou fausse, dit tout. La France ne voulait pas que 200 000 harkis algériens et leurs familles débarquent en France. Il y avait déjà plusieurs centaines de milliers d’immigrés algériens sur le territoire et le pouvoir jugeait qu’il était impossible d’augmenter leur nombre d’une façon aussi importante.
En plus, beaucoup sont issus des campagnes. Ils sont jugés inadaptés au monde du travail en France et pas assez instruits.
C’est assez cocasse de constater une décision aussi ferme en 1962, puis un recours massif à l’immigration en provenance du Maghreb quelques années plus tard. C’est comme si les pauvres harkis avaient été les sacrifiés présents dans le mauvais créneau.
Écoutez ces nombres. Ils montrent encore une fois les compétences de nos dirigeants. On les refuse en 62 alors qu’il y a 350 000 Algériens en France. En 1982, il y a 800 000 Algériens en France. Et si l’on en croit le président algérien Tebounne, il y en a 6 millions en 2020 !
Sacre bleu ! Pourquoi refuser ces hommes fidèles en 1962 pour prendre vingt ans plus tard des hommes nés dans une Algérie qui maudissait la France ?
Un dernier argument est la peur de déstabilisation de la France. Celui-ci est probablement le seul valable d’un point de vue politique ou moral. Le choix de l’indépendance avait suscité beaucoup de haine parmi les militaires et les pieds noirs rapatriés. On avait la peur légitime d’un coup d’État ou d’actions violentes répétées.
L’idée d’avoir des adversaires potentiels supplémentaires avec un afflux de harkis effrayait.
Parmi les Français, de nombreuses voix s’élèvent pour soutenir les harkis. Ne pas les rapatrier constitue un crime. Les militaires savent ce qui va leur arriver s’ils sont laissés sans défense. Vous avez donc des courageux qui participent à des actions clandestines pour en faire venir en France. Certains iront jusqu’à opérer des actions commandos après l’indépendance pour sauver leurs anciens collègues et parfois, amis. Car là où l’administration crée des différences, la réalité du terrain a créé des amitiés.
Les autorités françaises ne veulent pas voir leurs hommes en uniforme se prendre pour des sauveurs. Ils préviennent leurs officiers que toute initiative de ce type entraînerait des sanctions et que les supplétifs indésirables seraient refoulés et ramenés en Algérie.
D’ailleurs, elles vont plus loin : pourquoi certains parlent-ils de rapatriement des harkis ? Pour le gouvernement, ce ne sont pas des Français à part entière et les seuls qui arrivent légalement en France sont qualifiés de réfugiés.
Je fais une petite parenthèse ; ce que je viens de dire fait soulever un sourcil. Car oui, l’Algérie française ne contenait pas que des Français qui se valent. Administrativement, Ahmed du Telagh n’avait pas les mêmes droits que Jean d’Alger. Voilà probablement la meilleure raison pour comprendre les souhaits d’indépendance des musulmans algériens… Parenthèse fermée.
Heureusement, quelques hommes et femmes se distinguent de la masse et font tout ce qu’ils peuvent pour sauver les harkis. Des officiers créent même le Comité national pour les musulmans français et s’activent pour favoriser l’arrivée de harkis et le non-renvoi de ceux venus sans accord des autorités. Notez que tous les courants sont représentés parmi ces aidants. Il y a des partisans de l’Algérie française et d’autres qui étaient pour l’indépendance.
Au total, les harkis admis en France sont autour de 60 000 personnes.
Donc, rions jaune quelques instants. Aujourd’hui, vous êtes un clandestin violent venu d’une civilisation qui n’a jamais eu aucun lien avec la France, vous disposez d’aides comme l’aide médicale d’état et des associations vous paient une chambre d’hôtel.
Pour les harkis en 62, et alors qu’ils avaient été des soutiens loyaux de la France, le sort qui leur est réservé est indigne. La plupart des familles atterrissent dans des camps d’accueil qui n’ont « d’accueil » que le nom. Ces camps ne sont pas une création. Ils avaient déjà vu par le passé d’autres mouvements de migration comme celui des Espagnols en 1936.
Les conditions de vie donnent envie de fuir. Les harkis et leurs familles vivent dans des baraques ou dans des tentes. L’hygiène est déplorable et pour faciliter l’intégration de la jeunesse, on a la bonne idée de leur faire classe dans les camps au lieu de les mettre dans les écoles existantes.
Dans un tel endroit, la vie est horrible et les hivers sont terribles… Oui, j’ai bien écrit « les » hivers. Car, la situation, qui devait être courte, va durer. 13 ans plus tard, en 1975, des émeutes, et même une prise d’otages, éclatent dans certains camps où vivent encore des familles.
Grand pays, la France possède des pages magnifiques dans son histoire. Mais, la gestion de l’indépendance de l’Algérie est un camouflet total. Les Français qui y vivaient depuis des générations se sont sentis trahis par l’Etat, les harkis réfugiés en métropole ont connu un traitement indigne et nous ne sommes pas aimés par l’Algérie indépendante.
Comme pour les tirailleurs sénégalais privés de leurs pensions, ce ne sont pas les lois pour se repentir arrivant cinquante ans après qui vont réparer le passé. Mais bon, c’est une spécialité des politiques : se concentrer sur les erreurs du passé en espérant que l’on ne voit pas celles d’aujourd’hui.
Le sort des harkis restés en Algérie
J’arrête là avec le bashing de mes couleurs car, si la France a mal agi, que dire de l’Algérie indépendante ? Si l’on parle d’abandon des harkis, ce n’est pas parce que l’on est parti en les laissant au chômage avec une vie à reconstruire. On les a abandonnés face à des monstres sans laisse.
En plus, il y a une grosse différence, la France sait aujourd’hui qu’elle s’est mal comportée avec les harkis. En Algérie, c’est le même état d’esprit que les Turcs avec les Arméniens : circulez, rien à voir.
L’indépendance de l’Algérie proclamée le 3 juillet 1962 signifie le coup d’envoi de la vengeance. Les Français ont désarmé tous les groupes de harkis. Ils ne peuvent plus se défendre et les massacres débutent.
Tous ne sont pas concernés. Certains harkis ont des liens avec le FLN ou versent de l’argent contre leur protection. Mais, pour la majorité, la peur règne. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont emprisonnées, torturées ou massacrées.
Pour faire peur, pour se venger, et aussi parce que certains hommes sont pires que des animaux de la jungle, les tueries sont mémorables. Si vous lisez des livres ou des articles sur le sujet, vous serez horrifiés.
Je donne quelques exemples rapides, car je ne veux pas rentrer dans le glauque longtemps. Des hommes ont le nez tranché, sont émasculés, enterrés vivants, brûlés vifs… Leurs femmes sont violées devant leurs yeux. Des enfants sont égorgés.
J’ai même lu l’histoire d’hommes enterrés jusqu’au cou, dont on a recouvert la tête de miel pour qu’ils se fassent manger par les insectes. Dans une autre histoire, on leur a coupé le pénis pour le mettre dans leur bouche, puis on les a décapités.
Ces actes de chacals ne sont pas isolés. Un autre récit raconte que des hommes ont été transpercés avec du fil de fer, attachés dans la salle municipale et que tous les villageois désireux de les frapper payaient un droit d’entrée pour se faire plaisir. Le récit indique même que les femmes étaient les vigoureuses pour taper les suppliciés…
Vous savez le pire ? Parmi ces familles massacrées, vous aviez celles de simples maçons, cuisiniers et autres métiers de soutien de l’administration qui n’avaient jamais fait de mal à un seul être humain de leur vie.
Se venger en tuant un homme qui a torturé votre frère est compréhensible. Tuer le gamin du cuistot d’un régiment français l’est moins.
On retient parfois le nombre de 50 000 harkis morts ou disparus. Faire mieux que des estimations est impossible. Pour vous donner un ordre d’idée, c’est presque le double du nombre de soldats français morts pendant toute la guerre d’Algérie.
La France a protesté mollement. L’ambassadeur Jeanneney a ainsi dénoncé que des représailles existaient encore un an après l’indépendance et que le gouvernement algérien ne faisait rien pour les stopper ou condamner les coupables.
Mais, au fond, peut-être que le gouvernement algérien pensait qu’il n’y avait rien de mieux que de la barbarie collective pour souder une Algérie qui devenait pour la première fois de son histoire un pays indépendant ?
Article écrit par Denis
Créateur de la Tête Haute Française, je partage mon amour de l’Histoire de France sans prétention, en essayant de la rendre amusante (même si je sais que cet humour ne sied pas à tout le monde).