Richard de Pontoise : la légende de l’enfant crucifié par les Juifs ! (1179)

Autour du XIIe siècle, les rumeurs populaires accusent les juifs d’un nouveau mal. On les dessine désormais comme des agresseurs et des tueurs d’enfants. Apparemment, voler les sous des honnêtes chrétiens ne leur suffit plus !

Un peu partout en Europe, des légendes similaires naissent autour de jeunes enfants qui auraient été abusés, torturés et tués par de vilains juifs.

La France n’est pas une exception. Elle a eu son enfant martyr avec : Richard de Pontoise. Le récit bien ficelé a permis de le vénérer après sa mort et de prétendues reliques ont terminé dans une église.

Pourtant, il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour flairer le mensonge. Mais, écoutez la suite et dites-moi en commentaires quel niveau de crédibilité vous donnez à l’affaire Richard de Pontoise.

Richard de Pontoise est un innocent parmi d’autres

Richard de Pontoise n’est pas sorti de nulle part. Il intègre le récit sur les massacres des Innocents. Ce nom n’est pas une invention de Spielberg. Pour ceux qui ont lu la Bible, je pense que vous avez déjà compris qu’il s’inspire d’un passage choquant présent dans les Évangiles.

L’horrible roi Hérode se voit annoncer la naissance prochaine à Bethléem du « roi des Juifs ». Un Jésus qui arrive devrait lui donner la banane. Mais non, cela ne suscite pas des sautillements de joie au palais.

Effrayé par l’idée de se faire renverser du trône par un enfant haut comme trois pommes, Hérode ne tergiverse pas. Il exige que tous les garçons de moins de deux ans soient tués.

Ces enfants martyrs sont appelés les Innocents. Ils sont célébrés par l’Église le 28 décembre.

L’historicité de ces faits et de la plupart des événements présents dans les livres sacrés est souvent remise en cause. Mais, ce n’est pas le sujet de ma vidéo.

Retenez juste que Richard de Pontoise et les autres enfants supposément tués par des juifs au Moyen-Age sont dans la continuité. Comme à Bethléem, ils sont des Innocents.

Des histoires similaires auront lieu dans plusieurs pays d’Europe et permettent de développer une croyance : le meurtre rituel d’enfants par des Juifs est une habitude.

Une histoire qui tombe au bon moment dans le royaume de France

En France, le timing retenu pour le mythe de Richard de Pontoise est idéal. L’événement se déroule sous le règne de Philippe Auguste. Son père Louis VII avait eu pour son époque un défaut terrible pour l’Église : il était tolérant. Certes, le bougre bannissait les juifs faussement convertis, cela va de soi, mais il acceptait la présence des Juifs assumés sans leur infliger de punitions.

Heureusement, Philippe Auguste va remettre l’Église au centre du village et les Juifs dans le caniveau. Trois ans après l’histoire de Richard de Pontoise, il décidera de l’éviction des Juifs du royaume avant de revenir sur sa décision quelques années plus tard. Cet exil forcé temporaire s’accompagnera évidemment d’une confiscation (comprenez, un vol en toute impunité) de tous leurs biens.

En plus de continuer la tradition catholique des enfants innocents tués par des juifs, le meurtre de Richard est donc un argument pour tous ceux qui veulent se débarrasser d’eux.

D’ailleurs, à cette période, quand un enfant est enlevé, les villageois ne se fatiguent pas toujours à chercher le pédophile dans leurs rangs ou le ravin dans lequel est tombé le gamin. L’enquête est plus rapide : c’est encore la faute des Juifs !

Le massacre prétendu de Richard de Pontoise

Il n’y a pas mille récits qui relatent l’événement de Richard de Pontoise. Toutefois, quelques versions existent. Certaines versions sont contemporaines, d’autres sont écrites plusieurs siècles après.

Il est possible que si vous connaissez la légende, quelques-uns de mes dires diffèrent de vos souvenirs. Si c’est le cas, dites-le-moi en commentaires.

Débutons par une certitude. Puisqu’il s’appelle Richard de Pontoise, le meurtre n’a pu se dérouler qu’à un seul endroit : Pontoise. Bon, sachez que quelques gros malins ont placé plus tard le meurtre du gamin de Pontoise à Paris. Satanée centralisation ; elle survient même dans nos légendes urbaines !

Les raisons du meurtre rituel sont parfois attribuées à une réaction épidermique de Juifs face à une mesure prise contre eux par le roi. En gros, l’idée aurait été : « Puisque tu nous voles des biens en plein shabbat, on sort dans la rue trucider des gosses innocents. ». À l’inverse, d’autres sources disent le contraire : les mesures antijuives auraient été la conséquence du meurtre de l’enfant innocent.

Toutefois, doit-on trouver des excuses pour justifier un acte abominable commis par ceux qui ont tué le Christ ? Personne ne se fatigue ; les juifs ont toujours voulu la mort des chrétiens et ils ne font que réitérer leur besoin insatiable de sang chrétien.

Richard n’est pas un bébé comme lors du massacre des Innocents, mais un adolescent. C’est une bonne chose puisque les vilains juifs ont décidé de le crucifier. Techniquement, crucifier un corps de 60 cm aurait été compliqué. Tout du moins, il aurait fallu une petite croix, un bon menuisier et une précision extraordinaire pour faire tenir un nourrisson sur un bout de bois.

Le récit le plus détaillé du meurtre est écrit… bien après l’événement, trois ans après, par le religieux Robert Gaguin. Pour le plaisir, découvrons-le. Mais, gardons à l’esprit qu’il est aussi crédible que le scénario d’un film Marvel.

L’histoire commence avec un vilain rabbin qui se comporte comme un touriste belge au terrain de jeu du camping. Voyant un enfant répondant à ses attentes, il attire le petit Richard dans un coin reculé. En l’occurrence, il s’agit d’un souterrain.

Bien évidemment, Richard de Pontoise n’est pas un enfant comme ceux que vous croisez au supermarché. Ceux-là pleurent dès que Maman ne veut pas acheter le dernier jouet et sont prêts à mentir pour manger un gâteau en plus. Richard est autre chose ; c’est un vrai exemple.

Si Richard n’est pas un enfant comme les autres, le rabbin n’est également pas un touriste belge. Il n’est pas là pour offrir des bonbons contre une rétribution traumatisante. Il veut parler d’un sujet qui fâche facilement ; il veut parler de Dieu.

Quand le rabbin lui parle de foi, le petit héros a le courage de lui réciter l’équivalent d’un credo. Mieux encore, du commencement des sévices jusqu’à la mort, il ne cesse de clamer son amour en Jésus Christ et prononce même des passages de l’Évangile.

Pour bien saisir le personnage, vous devez donc comprendre que nous sommes sur le récit d’un enfant qui se fait crucifier par des malades mentaux, mais qui affiche le calme de Rambo face à un Viêt-Cong qui le torture.

Cela ne les amadoue pas. Les juifs finissent tout de même le travail. Richard de Pontoise meurt. Il est désormais un martyr.

Richard de Pontoise entre dans la légende

Dès 1180, Richard de Pontoise entre dans l’histoire officielle. Il n’y a aucune trace de recherche des coupables, de condamnations, de parents éplorés… Rien, il y a juste un fait : un gamin s’est fait torturer à mort par des Juifs, et il faut célébrer son souvenir.

Pour lui rendre hommage, Philippe Auguste demande aux habitants de Paris de vénérer le petit crucifié et le qualifie de « saint innocent ».

À la fin du XIIe siècle, des reliques de Richard de Pontoise sont transférées dans la bien nommée église des Saint-Innocents. On n’hésitera jamais à les sortir pour une procession, notamment pendant la guerre de Cent Ans.

La question légitime est de se demander à qui appartiennent les os des reliques puisque vous l’avez compris, le dossier « Richard de Pontoise » serait classé sans suite par un juge de tribunal et les historiens penchent davantage pour une création complète de l’histoire plutôt qu’un fait divers détourné. Il n’y a donc sûrement aucun Richard de Pontoise et donc aucun corps…

Mais bon, plus tard, des textes iront même jusqu’à dire que les reliques ont accompli des miracles comme la réduction de fièvre. La prochaine fois que vous avez un gros rhume ou des règles douloureuses, oubliez le Doliprane et touchez un os, cela serait peut-être plus efficace.

En tout cas, sachez que quelques personnes gardent la tête sur les épaules. Dès le siècle suivant, le pape Innocent IV affirme que ce meurtre rituel n’a jamais eu lieu.

Ce n’est cependant pas assez pour stopper la création de récits similaires. Dès que l’on veut s’en prendre aux juifs, une coïncidence étonnante survient : les affreux mangeurs de viande casher butent des gamins.

En Italie, une affaire similaire à celle de Richard de Pontoise prendra une ampleur considérable. Elle est connue sous le nom de l’affaire de Simon de Trente. Puisqu’elle a éclaté au XVe siècle, il y a plus de sources qui la relatent. Les habitants iront jusqu’à en faire un culte pendant plusieurs siècles.  Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à effectuer vos recherches. Puisque mon site est dédié à l’histoire de la France et des Français, je ne parlerai pas plus de Simon de Trente.

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