Le nom « Louisiane » est un hommage à Louis XIV… qui n’a pas aimé !

La Louisiane, vous connaissez cet État américain ? Pour ceux qui n’ont pas la géographie américaine en tête, sachez que la Louisiane se situe dans le sud des États-Unis, collée au géant Texas, et que sa capitale a un nom qui fait bien français et qui fait penser à un pénis : Baton Rouge.

Cavelier de La Salle : un explorateur français qui ne s’arrête jamais

Sa découverte en 1682 par le grand explorateur français, René-Robert Cavelier de La Salle, agrandit la Nouvelle-France. Celui que l’on raccourcit souvent en « La Salle » est un Mike Horn en puissance. Malgré un papa riche marchand, La Salle n’a pas voulu d’un destin à la Michel-Édouard Leclerc. Impossible de vendre des babioles alors que l’on peut marcher là où aucun homme n’a marché !

À peine la vingtaine dépassée, La Salle quitte la France pour l’Amérique et la découverte des terres autour de Montréal.

J’en profite pour vous glisser une anecdote qui m’a beaucoup fait rire. Habitant au Québec, j’ai été surpris d’apprendre que l’arrondissement de Montréal nommé aujourd’hui « Lachine » est une découverte de La Salle. Je me suis alors demandé pourquoi il avait choisi ce nom bizarre : « Lachine ». En réalité, il ne l’a pas choisi. Il avait voulu le nommer Saint-Sulpice.

Mais, les habitants de ce « Saint-Sulpice » voulaient se moquer de La Salle qui ne pensait qu’à trouver un chemin vers l’Asie. Alors, ils ont appelé le territoire « Lachine » : « Ba oui René-Robert, tu voulais l’Asie, voilà, tu as ta Chine. Laisse-nous tranquille avec tes rêves asiatiques ! »

découverte louisiane
La Salle découvre la Louisiane et son hommage n’est pas bien reçu…

Je reviens à notre Louisiane. La Salle la trouve en navigant sur le Mississippi. Cela faisait déjà une quinzaine d’années que l’Amérique était son terrain de jeu. Il y a découvert de nombreux lieux et a établi des forts, mais rien de folichon.

En France, il aurait pu être riche comme un patron d’entreprise du CAC 40, mais on ne laisse jamais trop son nom dans l’histoire et il préfère s’endetter en repartant sans cesse en vadrouille quitte à rentrer bredouille.

Un trajet de l’Ontario… à la Louisiane !

Le départ de son deuxième grand voyage se fait à partir du fort Frontenac en Ontario. Je précise qu’il ne faut pas confondre le fort Frontenac qui est en Ontario, avec le magnifique château de Frontenac à Québec.

Le chemin reste néanmoins très long. En voiture, vous mettriez plusieurs jours pour accomplir les plus de 2500 kilomètres. Avec son bateau et en prenant le fleuve au lieu des autoroutes, et en croisant des tribus dangereuses plutôt que des pompistes, les délais s’allongent.

Après plusieurs mois d’expédition, sa découverte de la grande Louisiane doit être comparable au sentiment des Juifs qui découvrent la fameuse Terre Promise, promise par Moïse.

Tout heureux de cette trouvaille qui lui semble quand même mieux que les gros glaçons canadiens, il décide de faire un peu de lèche à son roi tant-aimé, Louis XIV, et de nommer le lieu d’après lui : Louisiane. Remarquons l’effort, il a ajouté un suffixe et n’a pas juste nommer le lieu « Louis ».

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Un hommage qui est véritable flop auprès du roi Louis XIV

Cavelier de La Salle doit faire la danse du ventre et s’imaginer que le roi sera fier de ce nommage. Avec un tel atout dans sa manche, il est certain que les retombées seront nombreuses. Doit-il s’attendre à recevoir un nouveau titre en France ou des financements dingues pour ses prochaines virées ? Cartier va-t-il être mis aux oubliettes pour que Cavelier de La Salle brille au Panthéon des navigateurs ?

Non, non, mon petit René-Robert ! L’homme est ingrat. Quand Louis XIV reçoit la nouvelle, il a un comportement équivalent à la célèbre phrase de Jacques Chirac : « Cela m’en touche une sans toucher l’autre. ».

En vrai, c’est même pire que ça, il n’est pas seulement hébété face à une nouvelle aussi peu emballante, il est énervé. Il balance des thunes à droite et à gauche, et tout ce que savent ramener ces explorateurs Costco, ce sont de gros morceaux de terre sauvage.
Louis XIV s’empresse d’écrire au gouverneur général de la Nouvelle-France, Joseph-Antoine Le Febvre de la Barre. Quel nom ! Il aurait fait un poil plus long, il était impossible de le prononcer sans un point de côté… Donc, à ce mec que je simplifie en « la Barre » (surnom qui serait excellent dans un club échangiste), Louis XIV écrit que la découverte de La Salle est : « fort inutile et qu’il faut dans la suite empêcher de pareilles découvertes ».

En gros, le roi se comporte pire qu’un gamin mal élevé qui reçoit un cadeau qu’il n’aime pas. Il ne se contente pas de l’ignorer, il le prend, le jette à la gueule de l’émetteur en lui disant : « Mais, c’est quoi cette merde ? Tu ne me refais plus jamais un cadeau pareil ou je te le mets dans le trou qui te sert d’échappatoire gazier. ».

Est-ce que la Barre le dit à La Salle ou fait-il un peu l’hypocrite avec un « Le roi est très content. Continuez mon petit. » ? En tout cas, un an après, La Salle crée un nouveau fort qu’il appelle Saint-Louis dans l’actuel « Illinois ». Alors, soit il était ignorant de la réaction désabusée du roi, soit il était aussi peu rancunier que la France avec les Allemands dans les années 50 quand on créait avec eux la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier !

La Louisiane française et La Salle ne durent pas

Qu’importe la réaction initiale négative, la décision de retourner dans cette « Louisiane » dégueulasse et d’y créer une colonie est tout de même prise. Et oui, même si elle n’est pas sexy, elle est au moins une portion de la Terre qui n’appartiendra pas à ces hautains anglais ou aux mangeurs de chorizo espagnols.

De retour en France, La Salle se montre persévérant, et surtout, sacrément vilain puisqu’il montre des cartes falsifiées à la cour pour obtenir ce qu’il veut. Malgré le manque d’envie de Louis XIV de transformer la Louisiane en autre chose qu’un trou perdu avec quelques péquenauds français, il développe un argumentaire justifiant un établissement plus conséquent dans la zone. Louis XIV se met même à rêver de mines d’argent comme celles de l’empire espagnol. Il obtient des financements et repart pour la Louisiane avec le joli titre de « Gouverneur de Louisiane ».

Le hic est que le trajet se passe mal. Vous connaissez le passage dans le Cid où Don Rodrigue dit : « Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port. » Et bien, pour La Salle, ça ressemble plutôt à « Nous partîmes 300, mais par de prompts loupés, nous nous vîmes réduits comme une Somalie après famine ».

Avec son équipage, ils naviguent avec la précision d’une montgolfière face au vent, se perdent au Texas où de façon originale, La Salle crée un autre fort quelconque appelé « Saint-Louis ». De morts en morts, de désaccord en désaccord, le tout termine par une mutinerie pourrie dans la pampa texane, proche de l’actuelle ville de Houston.

Les gars n’en peuvent plus de voir La Salle se perdre sans cesse sans se départir de son air supérieur. Il se fait tuer par ses propres hommes. Ils le respectent tellement qu’ils lui volent toutes ses affaires, y compris un beau manteau écarlate qu’il portait le jour de sa découverte de la Louisiane.

Donc, pour résumer, La Salle trouve une Louisiane inutile aux yeux de Louis XIV, le convainc avec la fourberie d’un vendeur d’assurances de la conserver et il meurt, perdu et trahi, avant même d’y avoir remis les pieds. Quel territoire maudit !
La question que je me pose est : est-ce que les habitants de Louisiane connaissent cette histoire ou se voient-ils comme une source de fierté pour le Roi-Soleil ?

Comme celle de La Salle, la vie de la Louisiane française ne sera pas simple. Il faut attendre les exploits de l’explorateur et corsaire, Pierre Le Moyne d’Iberville, autour de 1700 pour avoir une vraie fondation de la Louisiane.

Puis, elle sera perdue, puis regagnée, avant d’être cédée définitivement par Napoléon Bonaparte aux jeunes États-Unis en 1803. Mais, si vous y allez en voyage, vous verrez qu’un dernier souffle français y subsiste malgré une triste baisse de la francophonie… Et oui, la Louisiane est passée d’un million de francophones en 1960 à 250 000 aujourd’hui…

Et, si vous visitez la Nouvelle-Orléans et son célèbre quartier français, le « Vieux Carré », vous pourrez y découvrir la belle cathédrale originalement nommée… la cathédrale Saint-Louis ! Mais non, arrêtez, on vous a dit qu’il ne voulait plus d’hommages royaux dans cette inutile Louisiane ! Même le zèle a ses limites !

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