Le pantalon garance (rouge) responsable de la mort de soldats en 1914-18

Quand la guerre débute en 1914, les Français sont motivés comme mes chiennes devant un os. Cela fait des années que la haine monte et la défaite de 1870 contre les Prussiens n’est pas encore oubliée. Chaque repas un peu arrosé se termine par l’expression du désir de vengeance qui prend aux tripes !  

Les quelques amateurs de la paix sont rares ou combattus. Jaurès tué pour son pacifisme en est la meilleure preuve.

Et pourtant, même si le fusil est chargé et la bave aux coins des lèvres, l’armée française n’a pas réfléchi assez, ou plutôt a trop longuement hésité, sur un détail très important : sa tenue.

Le pantalon garance porté par l’infanterie en 1914 sera responsable de milliers de morts supplémentaires. Découvrez comment nous en sommes arrivés là.

Qu’était le pantalon garance de l’armée française ?

Avant la Première Guerre mondiale, l’armée française semble porter un uniforme à la manière d’une équipe de foot. Il reflète les couleurs du pays et il faut l’avouer, il est sacrément beau. Ce choix vestimentaire date de près d’un siècle.

En effet, en 1829, le port du pantalon rouge devient la norme pour les soldats. Pour être plus précis, c’est un pantalon garance. Garance est le nom de la teinture rouge utilisée.

Les raisons du choix sont multiples. Comme toujours avec l’État, l’argent est un critère. Cette teinture est peu chère à produire. Vous pouvez habiller vos soldats sans ruiner vos finances. Et puis, s’ils n’aiment pas le rouge, qu’importe ; ce n’est pas un défilé, mais une bataille !

En plus, ce pantalon vif est également pratique pour rendre les soldats visibles dans les guerres du XIXe où la poudre ne cesse de remplir le champ de bataille de fumée… D’autres arguments tordus comme le fait de masquer le sang des blessures sont même évoqués. Bon, si votre soldat a une tête de zombie, sent le fromage, et marche comme une biche blessée, masquer le sang me semble peu pertinent…

pantalon garance en 1914
Quand tu pars en guerre avec une tenue que même un borgne repère de loin…

Cet avantage disparaît totalement en 1914. Une multitude d’inconvénients saute alors aux yeux. Il est lourd et encombrant. Pire, quand les rayons du soleil surviennent, il semble absorber la chaleur. Les poilus découvrent l’horreur de la guerre et pour couronner le tout, ils ont les poils collés par la transpiration sous le pantalon. Quelle plaie cette administration militaire incapable de s’adapter !

Et bien sûr, j’oublie le reproche principal que seul un aveugle ne saurait voir : cette terrible couleur rouge vous transforme en cible ambulante sur les champs de bataille !

Pourquoi le pantalon garance était-il encore porté en 1914 ?

Que le rouge sur un champ de bataille soit une mauvaise idée en 1914 n’est pas un secret. Même si nous n’avons pas toujours des champions pour nous commander, le débat sur le port du pantalon garance était ouvert depuis plusieurs années.

En la matière, la France a un sacré retard à l’allumage. Avant la guerre, nos alliés et notre ennemi allemand ont changé leurs uniformes pour adopter une tenue plus camouflée.

En France, des commissions de blablateurs ont été faites pour trouver une nouvelle tenue. Je ne sais pas s’ils étaient en mode « Jean-Paul Gautier » : « Oh non mon chou, trop large au niveau des mollets », mais il n’y a aucun consensus.

Encore pire, vous avez de gros malins qui militent pour que le pantalon garance soit maintenu. L’argument est très malin : « Nous avons perdu en 1870 avec ce pantalon. Nous devons nous venger avec nos couleurs historiques. » Les génies se disent que le mieux à faire quand on perd est de ne rien changer.

pantalon rouge 1870
Le pantalon garance en plein défaite en 1870

Heureusement, la sagesse est majoritaire. Retenez bien, j’ai dit « la sagesse », pas « l’anticipation » !

De nouvelles tenues sont mises en fabrication. Le décret est signé par Messimy, le ministre de la guerre, le 27 juillet 1914. Oui, vous avez bien entendu.

Un jour avant le début officiel de la guerre, l’armée française se dit qu’il serait bien de se sortir les doigts… Le lendemain, nos fiers soldats débutent donc la guerre avec leur ancien et beau pantalon rouge en attendant que les gentilles couturières sprintent sur la confection des nouveaux.

Cela signifie que, pendant que les cousins germains s’avançaient dans les tranchées pour nous dessouder, nous, Français, faisions les coqs dans la bassecour. Impossible de nous manquer tellement notre pantalon semblait crier à notre place : « Hé Fritz, je suis là ! ». Et ils ne nous ont donc pas manqué. 

Quelles sont les conséquences de porter un pantalon garance ?

Durant les deux premiers mois de la guerre, les Français meurent en grand nombre. Il y a plus de 300 000 morts. C’est une hécatombe. L’équivalent de toute la population de Nantes (moins tous les clandestins non répertoriés dans les chiffres officiels) meurt durant cette période.

Il est indéniable que le rouge a une responsabilité dans cette affaire. Même les poilus en sont conscients puisque dans les tranchées, de plus en plus de soldats font preuve d’ingéniosité pour masquer la couleur. Ils vont jusqu’à ajouter une toile opaque sombre par-dessus.

Il faut attendre le début de l’année 1915 pour enfin voir le pantalon garance totalement remplacé par un pantalon bleu horizon.

Est-ce que le pantalon garance est LE responsable des premières défaites françaises ?

Quand vous vous baladez à la guerre avec un accoutrement aussi vif que celui des patrouilleurs autoroutiers, il est certain que vous partez avec un désavantage.

Mais, tout mettre sur le dos d’un pantalon est trop facile. Pour faire une métaphore simple, l’armée française en 1914 a donc, avec cet uniforme, une carrosserie peu aérodynamique, contrebalancé par un moteur du tonnerre avec des soldats patriotes et braves. Le gros souci est ailleurs ; il s’agit surtout du pilote. Les ordres sont complètement à côté de la plaque.

D’ailleurs, certains officiers se fichent de la couleur rouge. Le côté nationaliste téméraire a la cote. Un Français ne se cache pas et ne recule pas. Mieux, malgré son pantalon digne d’un danseur de disco, il attaque.

La doctrine militaire française promeut à fond ce que l’on appelle « la guerre à outrance ». Cette stratégie n’est pas faite d’attaques discrètes comme celles des commandos ou de moments calmes devant une carte pour réfléchir aux actions à mener. Il faut attaquer comme des bourrins, depuis n’importe où et n’importe quand. La propagande anti-allemande, comme la mystérieuse bromidrose fétide, pousse les soldats à adopter ce comportement.

Cet état d’esprit d’attaquant est illustré par une phrase que l’on prétend dite par Foch, même si beaucoup y voient plus une légende qu’une réalité : « Pressé fortement sur ma droite, mon centre cède, impossible de me mouvoir, situation excellente, j’attaque. »

Les taureaux français ne craignent plus le rouge, ils le portent sur les pattes et foncent les cornes baissées !

Cette stratégie idiote est davantage responsable de la mort de soldats français que le rouge du pantalon. Heureusement, elle ne durera pas quatre ans. Plus tard, on constate ce changement de mentalité. Quand Pétain devient le héros de Verdun, il se fait aimer des soldats et respecter des tacticiens en économisant ses hommes et en limitant les attaques vaines. Les techniques kamikazes de l’armée françaises appartiennent alors au passé.

Donc, on peut résumer en :

  • Le pantalon garance était une très mauvaise idée.
  • Le pantalon garance a probablement causé des morts.
  • La guerre à outrance était une pire erreur !

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