Secrets du Mont-Saint-Michel : Archange, Guerre de Cent-Ans et Prison révolutionnaire !

Le Mont-Saint-Michel est l’un des lieux les plus célèbres de France. Des millions de personnes le visitent chaque année et sont émerveillées par sa beauté.

Je vous propose de sortir des sentiers battus et de découvrir le Mont-Saint-Michel autrement que par l’objectif de votre appareil photo.

Pourquoi a-t-on créé un sanctuaire religieux ? Pourquoi les Anglais n’ont-ils jamais réussi à le prendre durant la guerre de Cent Ans ? Quel usage étonnant a été imaginé par les révolutionnaires après avoir viré les religieux ?

 Je vais vous partager ces anecdotes passionnantes et quelques autres lors des prochaines minutes.

L’archange Michel a demandé la construction du Mont-Saint-Michel

Tout commence en l’an 708. Aubert, l’évêque d’Avranches, reçoit une vision nocturne de l’archange Michel lui ordonnant de construire une église au sommet du mont.

Au départ, l’évêque reste un homme et se dit : « Bon, t’es sympa Michel, mais j’ai que dix doigts et un agenda chargé. ». Il ignore donc l’apparition à deux reprises.

Il met peut-être son songe tenace sur le surplus de vin aux repas ou se dit qu’il est hors de question de dire « oui » au premier caprice d’archange apparu.

En plus, le projet est compliqué. On ne parle pas de créer un pavillon résidentiel. L’île est un amas de roches dont la seule verdure semble être des broussailles dégueulasses. Elle sert alors d’habitat à la faune normande et à quelques ermites plus heureux de vivre seuls qu’avec les gueux du village.

Même son nom ne sent pas la réjouissance, puisque le Mont-Saint-Michel qui ne s’appelait évidemment pas encore le Mont-Saint-Michel est connu sous le nom du « Mont Tombe ». Oui, comme une tombe funéraire !

À la troisième apparition, même l’archange semble perdre patience. Il laisse une empreinte avec son doigt sur le crâne d’Aubert et exige, en plus, qu’il reste sur le chantier jusqu’à la fin des travaux. Le client devient exigeant !

archange michel

Cette empreinte de doigt est conservée et est visible dans la basilique d’Avranches. Où ? Sur le crâne de Saint-Aubert. En effet, le crâne de l’évêque est devenu une relique et est conservé dans la basilique Saint-Gervais d’Avranches.

Entre vous et moi, l’empreinte n’est pas une caresse. Avez-vous vu l’état de la relique ? Le crâne de Saint-Aubert est perforé comme s’il avait pris une balle de haut en bas. Donc, si l’archange Michel vient exiger quelques coups de marteau dans vos rêves, faites ce qu’il dit, sauf si vous devez mettre ces coups de marteau sur la tête de votre femme… Dans ce cas, consultez un psy.

crane saint aubert

Après trois apparitions et un trou sur le crâne, l’évêque décide enfin d’arrêter son comportement de syndicaliste et se met au travail. Le chantier est rapide. Aubert célèbre la première messe dans l’endroit que l’on nomme désormais « Mont-Saint-Michel au péril de la mer ». Après « Tombe », « péril de la mer » semble presque optimiste.

Aubert n’en fait pas un repère d’ermites. Dans ses apparitions, l’archange Michel avait été clair. C’est le type de personne qui vous dit quel cadeau il veut sous le sapin de Noël. Il voulait être célébré comme au Mont-Gargano, qui est un sanctuaire dédié à l’archange situé dans le sud-est de l’Italie.

Après la construction, des chanoines s’établissent sur le Mont-Saint-Michel. Au départ, ils ne sont qu’une douzaine. Le Mont-Saint-Michel devient un lieu de pèlerinage et leur mission consiste à prendre soin de l’église et d’accueillir les pèlerins.

Aubert décède le 18 juin 725. Pour ne pas vous laisser dans le doute, je précise que des études scientifiques ont été réalisées sur la relique. La datation du crâne colle avec les années de vie d’Aubert et la lignée mérovingienne est prouvée, mais il est évidemment impossible de savoir si c’est bien le crâne de Saint-Aubert et d’avoir la raison du trou. Cela pourrait être un kyste… ou un doigt d’archange !

Des récits de miracles et de guérisons attribués à l’aide de l’archange finissent de convaincre les indécis et œuvrent à la réputation du mont comme lieu saint.

Les récits de miracles sont souvent de grands classiques comme des aveugles qui recouvrent la vue.

Mais, il y a des histoires plus originales comme une pèlerine enceinte qui aurait accouché alors que la marée montait et qui aurait été portée par l’eau jusqu’à la terre ferme.

Il y a également l’histoire d’un enfant qui met un coup de pied à un rocher de plusieurs tonnes pour lui faire descendre toute la vallée, à l’endroit où se trouve désormais la chapelle Saint-Aubert.

Les premiers bénédictins y arrivent en 966. À partir du XIe siècle, les pèlerins se comptent par milliers chaque année. Toute une économie se met en œuvre pour les accueillir avec la création d’auberges.

En quelques siècles et grâce aux rêves agités d’un évêque, le lugubre Mont Tombe est devenu le mont Saint-Michel, un lieu connu par toute la chrétienté d’Occident.

Mais, comme vous allez le lire, l’endroit a eu une histoire plus compliquée qu’on ne le pense 

Le Mont-Saint-Michel est un rempart infranchissable pendant la guerre de Cent Ans

Changeons complètement d’ambiance. Passons des apparitions mystiques aux choses plus concrètes : la castagne.

Pendant la guerre de Cent Ans, que l’on date de 1337 à 1453, le Mont-Saint-Michel devient l’équivalent du village gaulois d’Astérix et Obélix. Bien sûr, ce coup-ci, les centurions romains sont remplacés par des rouquins anglais.

J’imagine que vous avez tous en tête l’aménagement du Mont-Saint-Michel. L’endroit effraie les Anglais comme un Teddy Riner sur tatami.

Les remparts solides et la position avantageuse permettent de résister aux assauts des Anglais. De 1423 et 1434, les troupes anglaises tentent à plusieurs reprises de prendre le mont, mais chaque essai se transforme en échec. Ils se vengent sur d’autres endroits comme Avranches.

guerre de cent ans

Les défenseurs, qui sont un mélange de soldats et de moines, sont héroïques et en plus, cette satanée abbaye est placée dans un lieu où les marées restent imprévisibles ! L’amplitude des marées peut atteindre jusqu’à 15 mètres. Vous avez à peine le temps de débarquer devant les murs avec vos armures, de monter vos armes de siège que les méduses et les vagues reviennent. Quelle plaie !

Actuellement, vous marchez sur une digue pour aller jusqu’à l’entrée du mont. Vous vous doutez bien que cette digue n’existait pas à cette époque.

Néanmoins, des changements architecturaux majeurs interviennent au Mont-Saint-Michel. Pour accueillir les pèlerins, il fallait une grande porte ouverte, quelques boutiques et quelques lieux de repos.

Pour repousser les Anglais, on opte plutôt pour l’ajout de remparts, de tours de défense et d’une entrée fortifiée. C’est pour cette raison que le Mont-Saint-Michel ressemble autant à une ville fortifiée.

Le Mont-Saint-Michel a aussi été une prison

Le Mont-Saint-Michel n’a pas toujours été un lieu religieux. Étonnamment, il a été plusieurs fois utilisé pour héberger une prison !

Durant le Moyen Âge et sous l’Ancien Régime, l’idée n’est pas d’avoir une grande prison, mais de mettre à l’écart quelques vilains.

Puis, après la Révolution française, les choses évoluent forcément pour le Mont-Saint-Michel. Dans toute la France, les biens de l’église sont vendus au rabais. Les curés récalcitrants reçoivent la visite de révolutionnaires et ont la fâcheuse tendance de ne plus jamais se relever après leur apprentissage forcé de la République…

Le caractère religieux de l’abbaye du Mont-Saint-Michel est mis sur pause. Les quelques moines qui y vivent sont mis dehors. Mais, à cette époque, l’abbaye ne ressemble pas au magnifique édifice d’aujourd’hui. Tout tombe un peu en ruines.

 Le Mont-Saint-Michel qui accueillait quelques prisonniers devient un vrai lieu de détention.  Cette idée n’est pas une calamité, car elle a peut-être permis à l’abbaye de survivre. Dans le reste du Mont, des ateliers d’artisanat et quelques autres services ouvrent.

J’imagine que les personnes qui étaient emprisonnées au Mont-Saint-Michel n’imaginaient que quatre siècles plus tard, des touristes allemands paieraient 400€ pour y dormir une nuit…

Ma référence aux nuitées des hôtels actuels est évidemment à tempérer. Au XVIIIe siècle, ce n’est clairement pas un établissement 5 étoiles. Le Mont-Saint-Michel n’est pas agréable pour les prisonniers. Entre l’humidité, le froid et le vent, on est loin des prisons compatibles avec les exigences de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Près de 300 prêtres et opposants politiques sont enfermés dans le lieu que l’on appelle désormais « Mont libre ». Puis, on décide d’y enfermer d’autres détenus.

Napoléon signe un décret en 1811 pour en faire une maison centrale. Dans le jargon du repris de justice, la maison centrale est le lieu des longues peines. Les effectifs grandissent et en 1819, elle compte presque 600 prisonniers.

Si cette période vous intéresse, je vous recommande de lire le livre de Jérémie Halais. Ses 300 pages sont dédiées à la prison du Mont-Saint-Michel.

L’endroit reste une prison jusqu’à ce que Napoléon III en décide autrement en 1864. Le coût élevé de la prison l’a aidé à faire ce choix.

Dans le même temps, ce Bonaparte se montre digne de son nom en faisant ce qu’avait toujours fait son oncle : soigner le patrimoine français.

En effet, sous le règne de Napoléon III, la prison est fermée et l’abbaye est restaurée.

Viollet-le-Duc, qui n’est pas un appel à l’agression sexuelle d’un noble, mais un célèbre architecte, redonne au Mont-Saint-Michel sa splendeur d’antan. Cet homme a effectué un travail énorme en France, que ce soit à Notre-Dame de Paris, Pierrefonds ou Carcassonne.

Pour le Mont-Saint-Michel, j’ai lu certaines sources qui disent que ce sont surtout quelques-uns de ses élèves, et notamment Paul Gout, qui ont fait la restauration. Si vous avez plus d’informations sur le sujet, n’hésitez pas à me le dire en commentaires.

Le culte est de nouveau possible.

Toutefois, il faudra attendre un moment avant que la vie monastique redevienne la norme à l’abbaye. Ce n’est qu’en 1969 qu’une convention signée par le diocèse et l’État permettent à des religieux de venir revivre dans les lieux rêvés par Saint-Aubert douze siècles plus tôt.

Aujourd’hui, et ce depuis 2001, ce sont les Fraternités monastiques de Jérusalem qui sont à l’abbaye Saint-Michel.

Alors, qui savez que le Mont-Saint-Michel était le fruit d’une apparition mystique, mais aussi un lieu où nous avons mis des déculottés aux Anglais et enfermé des prisonniers ?

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